Après la démission de Bouteflika : le général Gaïd-Salah seul face à la rue
Par R. Mahmoudi – Les Algériens sont de nouveau sortis dans la rue, ce mardi soir, mais cette fois-ci pour donner libre cours à leur joie, après l’annonce de la démission –réclamée depuis plus de six semaines – du chef de l’Etat. Des vidéos ont même montré des manifestants scander joyeusement le traditionnel slogan : «Djeich chaâb, khawa khawa !» pour réitérer ce pacte de fraternité scellé entre le peuple et son armée.
Ces scènes donnent, à première vue, l’impression que la foule applaudissait implicitement les décisions annoncées ces derniers jours par le chef d’état-major de l’ANP et que, par conséquent, toutes ses demandes étaient satisfaites. Le général Gaïd-Salah, lui-même, avait clairement dit dans l’un de ses derniers discours que «le peuple a bien accueilli» son appel à appliquer l’article 102, puis aussi les articles 7 et 8 qui remettent théoriquement le pouvoir entre les mains du peuple, qui en est la seule source. Ses thuriféraires sur les plateaux de télévision juraient qu’aucun slogan hostile à Gaïd-Salah n’avait été scandé dans la rue.
Dans sa nouvelle posture, le chef d’état-major ne s’est pas gêné d’emprunter aux manifestants quelques-uns de leurs termes en vogue (el-içaba, bande de malfrats…), histoire de se rapprocher du peuple. Tout son discours tourne, en fait, autour d’une idée essentielle : l’armée est là pour sauver le peuple d’une «bande de malfrats» qui se sont approprié les richesses du pays.
Cela dit, dans les faits, la situation paraît plus complexe. La tendance est même à la radicalisation de la protestation. La plupart des animateurs et activistes à l’avant-garde de ce mouvement, en plus des chefs de certains partis politiques, ont appelé, dès l’annonce de la démission de Bouteflika, à la poursuite des manifestations hebdomadaires pour exiger le départ de «tout le système», dont évidemment le général Gaïd-Salah, décrit, lui aussi, comme «un homme du système». L’idée qui tourne est que la transition ne doit, en aucune façon, être conduite par des gens de l’ancien pouvoir (Bedoui, Bensalah…) ni par l’armée, dont le chef est soupçonné de nourrir des ambitions présidentielles.
Dans ce cas, que fera Gaïd-Salah ? Va-t-il trouver un moyen pour activer, comme il l’a toujours réclamé, le fameux article 7 de la Constitution, pour associer de facto les représentants du mouvement populaire dans la gestion de la transition ? Va-t-il engager un processus de dissolution des deux chambres du Parlement et du Conseil constitutionnel pour satisfaire les demandes des manifestants ? Attendons le prochain vendredi pour y voir plus clair…
R. M.
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