Nous ne voulons pas être un «trois-quarts» de peuple !
Par Saâd Hamidi – Nous sommes le mercredi 12 novembre 2008. Le Parlement est réuni en ses deux Chambres. L’enjeu est de taille ; il s’agit d’amender la Constitution et de faire passer à la trappe l’article qui consiste à limiter le nombre de mandats présidentiels à deux fois au maximum. Cet article-phare faisait partie de la Constitution de 1996 à l’initiative de Liamine Zeroual, dit-on.
Le vote a été sans appel : 500 pour FLN, MSP – tiens-donc ! –, RND, PT – ah bon, Mme Hanoune ! –, FNA et Indépendants (33) ; 21 contre, tous presque RCD (19 députés) et 8 abstentionnistes ! Le verdict est sans appel. Le Parlement croupion, auquel Bouteflika n’a même pas daigné rendre visite une seule fois, a prouvé qu’il était à la solde de l’homme fort du moment en ravalant sa dignité et son honneur en oubliant de défendre ce pourquoi il a été élu, c’est-à-dire la défense de la volonté du peuple.
Le 29 octobre 2008, presque deux semaines avant le vote acquis d’avance et qui était une simple formalité, Abdelaziz Bouteflika déclarait devant les magistrats, sûr de son verbe, de son omnipotence et de sa prévarication : «Nul n’a le droit de limiter la liberté du peuple d’exercer son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler sa confiance en toute souveraineté.» Il était loin de se douter que l’impotence l’attendait au tournant et le précipiterait dans la poubelle de l’histoire !
Je pourrais paraphraser presque mot pour mot la phrase de l’ex-Président : «Nul n’a le droit de limiter la liberté du peuple d’exercer son droit légitime à choisir ses gouvernants et à leur renouveler, ou pas, sa confiance en toute souveraineté.» Là réside la majestueuse différence, car elle est de taille. Le peuple œuvre dans cette voie, car il n’y a de majesté que le peuple. De tout temps, c’est lui qui fait et défait les royaumes, les nations et la grandeur qui va avec !
Il est parti celui qui menaçait de laisser le peuple à sa médiocrité s’il n’allait pas dans le sens de ses désirs. Il est parti grâce à l’intelligence collective de ce peuple vaillant et debout, qui veut prendre désormais son destin à bras- le-corps. Il est parti sans gloire, par la petite porte, celui qui pérorait : «Le rédacteur en chef de l’APS, c’est moi !» Je pourrais citer ses dépassements, ses frasques, ses coups de gueule déplacés, ses errements, mais l’histoire s’en chargera ! Soyons magnanimes et laissons-le à sa médiocrité.
Nous allons regarder ensemble dans la même direction et c’est vers cet horizon que nous devons porter notre espoir et notre énergie.
Aujourd’hui, disons-le clairement, le problème n’est pas constitutionnel. Il est d’abord et avant tout politique et il doit trouver sa solution dans un contexte politique. La Constitution a été convoquée à tout-va pour justifier la chose et son contraire. Par conséquent, elle devient un boulet plutôt que de constituer une voie sûre et sereine pour nos espérances. Il est très difficile à mon avis de concilier les articles 7, 8 et 102. Je ne connais pas grand-chose à la Constitution ni à la politique, mais je sais vibrer avec le cœur battant de ce peuple qui veut avancer. Je sais par nécessité et par «fitra» (Prima Natura) que :
- La déclaration de Novembre 1954 doit être la plateforme qui nous unit.
- Le sigle FLN doit être restitué à tout le peuple algérien qui en est le seul et unique dépositaire devant l’histoire et devant les chouhada.
- Notre vaillante armée doit être préservée parce que sa dislocation signifie la fin de notre cohésion sociale et la fin de notre Etat-nation.
- Le peuple doit imposer ses choix sans contrainte aucune dans une Algérie nouvelle. Cela doit commencer par l’échelon local. Le maire est le premier magistrat responsable devant ses électeurs. Le mettre sous la coupe du wali, c’est faire fi de la voix du peuple.
- Tout le «système» doit partir et laisser le peuple choisir ses représentants pour la période de transition qui doit prendre le temps qu’il faut et même jusqu’à un an. Nous avons perdu vingt années.
- Il faut veiller à défendre l’Etat algérien et toutes ses institutions.
- Le mouvement dit de la «Révolution joyeuse» ne doit en aucun cas se donner ou élire des représentants. Sinon, il va vers sa mort certaine. Il doit rester vivant, impétueux et énergique. Il pourra puiser dans des mouvements corporatistes ou dans des comités de vigilance qui seront ses forces et ses appuis.
- Le moment n’est pas encore propice pour une Constituante. Si c’est le cas, plusieurs projets de société peuvent se télescoper et vont nous renvoyer vers des luttes byzantines et des combats d’arrière-garde sans aucune importance pour l’édification d’une société moderne, juste, plurielle et ouverte sur le monde.
- La justice doit être totalement indépendante de l’Exécutif et doit être dotée de moyens efficaces pour entamer un travail rigoureux, systématique et en profondeur pour juger toutes les malversations commises à l’encontre du peuple. Il est pratique et avisé d’établir un fichier national de suivi auprès du ministère de la Justice, loin de toute chasse aux sorcières, et permettre aux citoyens d’être rassurés quant à l’état d’avancement de tous les dossiers rapportés au bras de la justice.
- Notre Constitution doit être le reflet de notre fougue. De plus, elle doit être simple, claire et limpide. Tous les Algériens et Algériennes doivent y participer. Les constitutionnalistes pourront lui donner par la suite la forme finale épurée dans un texte accessible, loin de toute interprétation équivoque. Nous devons nous inspirer des différents modèles constitutionnels de par le monde. Le régime présidentiel ayant toutes les prérogatives, comme on l’a vécu jusqu’à date, est à bannir. Nous ne voulons pas être un «trois-quarts de peuple» !
- Tous les élus doivent être révocables, si besoin est, pendant l’exercice de leur mandat. Aucun élu ne peut prétendre à plus que deux mandats successifs. La politique doit cesser d’être une activité professionnelle. Les politiques et les couches doivent être changés continuellement et souvent pour les mêmes raisons !
- Enfin, la presse, l’école et les ministères budgétivores (moudjahidine…) doivent être questionnés. Nous ne pouvons régler tout d’un coup. Il faut de la patience, de la méthodologie et surtout de la volonté pour évoluer et prospérer.
Je demeure convaincu que le rêve disruptif du mouvement du 22 février 2019 est à notre portée. A nous d’en faire une dystopie ou une belle utopie.
S. H. (Montréal)
N. B. : le titre est de la rédaction
NDLR : les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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