Tunisie, Libye, Mali et Soudan : les Algériens redessinent la carte régionale
Par R. Mahmoudi – L’onde de choc du soulèvement populaire en Algérie contre le système politique en place, toujours en marche, dépasse les frontières et bouscule partout dans les pays du voisinage l’ordre établi.
L’effet des événements algériens est visible et direct dans au moins quatre pays. Au Mali, la plus grande manifestation populaire jamais organisée dans ce pays contre la présence militaire française a eu lieu ce vendredi dernier, où les manifestants ont demandé à la fois à leur inamovible Président (IBK) et à la présence militaire française de «dégager», imitant ainsi la population algérienne. Il va sans dire que cette protestation ne restera pas sans effet dans les prochains jours ou semaines.
En Tunisie, le président nonagénaire, Béji Caid Essebsi, a, dans un geste «magnanime», déclaré, samedi, qu’il ne briguera pas un second mandat. Alors que l’homme était, jusqu’à il y a quelques semaines, résolument engagé à rempiler. Qu’est-ce qui l’a bien pu l’en dissuader à la dernière minute, puisque personne ne le lui avait publiquement contesté ? A-t-il retenu la leçon algérienne où l’obstination d’un chef d’Etat âgé et grabataire de s’accrocher au trône l’en a délogé de façon aussi humiliante que coûteuse pour la stabilité du pays ?
On rappelle que Béji Caid Essebsi avait, dès les premiers jours, commenté les événements en Algérie et souhaité indirectement le départ du président Abdelaziz Bouteflika, en se disant confiant dans les capacités du peuple algérien à reprendre son destin en main. Première répercussion du départ annoncé du patriarche tunisien : le paysage politique local va connaître un véritable chamboulement, avec le retour, souhaité par Essebsi lui-même, de son Premier ministre, Youssef Chah, au parti Nidaa Tounes. Ce qui promet de briser son alliance avec Ennahdha de Rached Ghannouchi.
Troisième pays de la région directement ou indirectement influencé par l’évolution de la situation en Algérie : la Libye. Tous les observateurs sont d’avis que l’offensive déclenchée, depuis quelques jours, par le maréchal Haftar pour conquérir Tripoli et débusquer, par-là, l’autorité internationalement reconnue, semble au moins être accélérée, sinon dictée par l’exacerbation de la crise politique à Alger. La confrontation ouverte entre l’état-major de l’ANP et le chef d’Etat, qui a conduit à la démission de celui-ci, a été, pour les putschistes libyens soutenus par Riyad et Abu Dhabi, le moment idéal pour lancer leur attaque.
Enfin, au Soudan, où la révolte citoyenne contre le président Omar El-Bechir est à son troisième mois, les derniers développements de la crise algérienne donnent un nouveau souffle aux manifestants. Ce n’est pas un hasard si, depuis quelques jours, les Soudanais en viennent à demander à leur armée d’intervenir, comme l’a fait avec succès l’armée algérienne, pour débarquer l’«autocrate de Khartoum». Les choses ont, comme on le voit, mal tourné chez eux, puisque les forces de sécurité continuaient, jusqu’à ce samedi, à réprimer la protestation, sans la moindre réaction de l’armée. Mais rien n’indique qu’elle restera inerte indéfiniment.
R. M.
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