Tutelle des services secrets algériens : méprise ou amalgame entretenu ?
Par Karim B. – L’information sur le limogeage du général Bachir Tartag de la Coordination des services de sécurité (CSS) a été accompagnée par une autre annonçant le «retour» des services secrets sous la houlette de l’état-major de l’ANP.
La question restée très longtemps taboue des services des renseignements algériens a fait qu’une confusion est née de l’absence totale de communication relative à cette institution sensible qui a gardé les vieux réflexes du secret total, contrairement à de nombreux autres services spéciaux dans le monde. Il aura fallu la mise à la retraite du général Mohamed Mediene, dit Toufik, pour que son successeur, le général Athmane Tartag, dit Bachir, accepte enfin d’être pris en photo et de s’afficher dans les médias.
Ce secret entretenu a fait que les citoyens ignorent beaucoup de choses sur le fonctionnement de l’ex-Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et son substitut, la CSS.
En janvier 2016, l’ancien président Abdelaziz Bouteflika rendait un décret, non publiable, donnant vie à la nouvelle version du DRS restructuré, confirmant ce qu’Algeriepatriotique avait écrit plusieurs semaines auparavant sur la restructuration des services secrets et sur leur fonctionnement réel. Ce décret renommait le DRS en Direction des affaires sécuritaires, instituait le poste de coordinateur des services de sécurité et lui redonnait presque l’ensemble des pouvoirs qui lui avaient été enlevés durant les changements opérés au cours des deux années précédentes.
Le successeur du général Toufik, Bachir Tartag, se voyait ainsi confier le poste de coordinateur des services de sécurité avec la qualité de «ministre conseiller» en charge des questions sécuritaires. Il est affirmé par ce décret non publiable que les services secrets dépendent de la présidence de la République et non pas de la Défense nationale, mettant ainsi fin à la confusion générale. Ce texte de loi apporte également des précisions sur les missions et les attributions des services secrets.
La réforme des services secrets telle que proposée déjà en 1989 visait à aller vers une meilleure coordination entre les services de sécurité. C’était aussi pour une meilleure définition des attributions et l’établissement de relations fonctionnelles claires. Il s’agissait de préciser tout simplement qui dépend de qui, qui fait quoi et comment. La restructuration devait être une sorte de corollaire au multipartisme et à la liberté de la presse, garantis par la Constitution de 1989.
Cette réforme des services de sécurité, qui avait été décidée par le président Chadli Bendjedid en 1989, était une suite normale du retrait de l’armée du parti unique, le FLN. Mais durant les années 1990, et face à la déferlante terroriste, «le pays a mobilisé l’ensemble de ses potentialités et de ses ressources pour faire échec au péril terroriste, ce qui a nécessité une adaptation des règles de coordination», avait expliqué une source autorisée à Algeriepatriotique, selon laquelle le département administratif, logistique et technique des services de sécurité s’était vu confier la mission de coordination en matière de lutte antiterroriste.
Durant les années 2000, la mission de coordination a été indirectement transférée à la présidence de la République en ce sens que le DRS dépendait du Président, lequel est également ministre de la Défense nationale et chef des armées. La nouvelle organisation des services de sécurité, en 2016, visait à mieux clarifier ce rôle de coordination de la lutte antiterroriste en mettant en place une nouvelle direction. Cette restructuration avait été gelée par le binôme Zeroual-Betchine qui, dès l’accession de Liamine Zeroual au poste de président de la République, était revenu à l’ancienne organisation sur instigation du général Betchine qui voulait, ainsi, concentrer le pouvoir entre ses mains.
K. B.
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