Une contribution de Bachir Medjahed – Les risques d’une impasse
Par Bachir Medjahed – Il y a de sérieux risques d’une impasse. Une élection clôture une phase de transition et ne l’inaugure pas. Dans notre cas, il y a une transition telle que la demande ou l’exige le peuple dans la rue et une autre telle qu’annoncée par le respect d’une Constitution déjà dépassée par le retard mis à appliquer l’article 102.
Poursuivre le cheminement défini par le par le chef d’état-major n’est pas «inscrire» le processus dans une transition. L’objectif recherché est de remplacer Bouteflika puis de confier les clés de la maison au nouvel élu et une équipe mise en place par le remplacement des responsables décriés. Pas de surprise dans le choix des hommes qui remplaceront les «B» ?
Le futur Pprésident «élu» sera choisi de la même façon que l’ont été les précédents avec un score de victoire au premier tour et un taux de participation électorale le plus bas depuis l’indépendance. Là, s’ouvrira la pire des crises car les populations ne sont plus inhibées. L’insoumission active une résistance proche de l’insurrection.
Deux grilles de lecture sont en confrontation, celle que cherchera à imposer la nouvelle équipe et celle plus légitime du peuple. On ne dit plus «populations» mais «peuple» avec toutes les implications que ce mot engage.
Sans nul doute qu’il sera mis en œuvre des stratégies de division du peuple par le retour des vieux démons de l’ethnicisation des relations entre communautés. Le danger est assez conjuré à Ghardaïa, par exemple, lorsque les populations locales ont marché en criant ensemble «Mozabites et Arabes khaoua khaoua». Des énergumènes comme Naïma Salhi n’en rateront pas l’occasion.
Le risque de généralisation de cette forme de passage induit la croyance selon laquelle il ne peut y avoir de changement du système sans passer par des conflits éventuellement durables car aucune partie n’est réellement prête à abandonner.
Il en est autant du passage de l’autoritarisme vers l’islamisme que vers la démocratie. Un constat est à faire. Aucune transition n’a encore abouti dans les pays arabes. Tous les pays arabes qui disaient s’être engagés dans un processus de démocratisation n’ont jamais pu faire aboutir celui-ci. Serait-ce faute de n’en avoir pas voulu ?
Pourquoi ce ratage ? D’abord, aucun pouvoir en place n’a admis d’accepter de s’appliquer le processus d’euthanasie politique. Il est prêt à élaborer lui-même les réformes politiques, selon sa propre conception, et à en conduire lui-même leur mise en œuvre. Bien entendu, il les conduira selon le rythme qu’il aura défini lui-même. Même le contenu du concept de démocratie sera défini par lui-même. Peut-on être juge et partie ? Apparemment non, en termes de stabilité et de sécurité, car aucun pays arabe engagé dans une transition n’a connu de période sereine. Nous disons bien aucun.
Durant cette phase de transition, les lois en vigueur ne changent pas à la même vitesse que les mutations politiques qui voudraient court-circuiter les différentes étapes indispensables à l’apprentissage des acteurs et des populations.
On dit que les phases de transition sont les plus dangereuses parce que rien ne correspond à rien en termes de planification. On ne peut planifier ce qui n’est pas que technique.
L’Algérie est passée par là. L’Egypte est dans un cheminement périlleux. La Tunisie n’en est pas sortie. La Syrie, la Libye, le Yémen sont en cours de chute dans la guerre civile. Les pays du Golfe n’en sont pas immunisés. Le Maroc non plus. D’ailleurs, l’offre des pays du Golfe à la Jordanie et au Maroc de rejoindre le CCG est un signe probant de l’immense peur que leurs populations réussissent à renverser le régime politique, ce qui équivaudrait à la disparition de la royauté comme système politique.
Quant à l’exemple égyptien, un général a chuté au profit d’un islamiste puis retour à un général. Et pas n’importe qui, puisqu’il s’agit du chef de l’armée. Le modèle égyptien sera-t-il généralisé aux pays arabes dont le pouvoir tombe dans les mains islamistes ? Qu’en sera-t-il si le pouvoir tombe dans les mains de l’opposition démocrate ?
B. M.
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