Deux vestiges historiques réduits en poussière
Par Mesloub Khider – En l’espace de quelques jours, deux monuments ont été emportés par les flammes. Par les flammes politiques de la révolte populaire, dans le premier cas. Par les flammes de l’incurie bourgeoise, dans le second cas.
Ces deux vieilles institutions étatique et cultuelle ont été consumées de façon inattendue. La première s’est embrasée par la faute de l’Etat bourgeois responsable de l’abaissement du budget alloué à la préservation du patrimoine, notamment des milliers de monuments en état de délabrement.
La seconde institution mafieuse s’est brûlée elle-même ses ailes pour avoir voulu, tel un Dieu, voler vers l’éternité de la gouvernance.
La première, bâtie depuis 8 siècles, a traversé toutes les époques sans grands dommages. La seconde, momifiée de son vivant, a régné en despote depuis l’indépendance de d’Algérie et a dû abdiquer sans hommages.
La première institution ecclésiastique, couronnée du nom cathédrale, a respiré la spiritualité et a inspiré plusieurs grands esprits comme Victor Hugo. Elle a vu naître et mourir plusieurs générations de Français. A accueilli des millions de visiteurs. A recueilli des milliards de vœux des adeptes chrétiens. A béni des millions de croyants. A abrité des milliers d’ecclésiastiques exerçant leurs offices liturgiques. A sacré quelques rois de France. Puis, à la faveur de «la mort de Dieu» et du déclin du christianisme, a fini par devenir depuis le siècle dernier un simple musée lucratif.
Tandis que la seconde institution, dénommée Bouteflika, bâtie par la force du képi des frontières, s’est hissée au pouvoir par déloyauté pour instaurer une royauté républicaine. Une dynastie militaro-politique. Une mafia qui a siphonné la rente pétrolière. Cette bâtisse étatique mafieuse, dressée sur le corps de millions d’Algériens broyés par la tyrannie, n’a inspiré que la terreur et aspiré toutes les richesses du pays. Elle a dominé le pays par la répression, pacifié la scène turbulente politique par le crime.
Si la cathédrale, dès sa partielle consumation, a suscité une tempête planétaire de larmes versées pour éteindre symboliquement le feu. Bouteflika, après son immolation présidentielle forcée, a provoqué, lui, de la part du peuple algérien, des tonnerres d’applaudissements et des exhortations populaires à poursuivre la combustion du reste de l’oligarchie mafieuse installée au pouvoir depuis 1962, pour embraser définitivement le système.
Si la cathédrale, dans un sursaut de générosité collective, a su collecter en 24 heures un milliard d’euros pour procéder rapidement à sa réhabilitation, Bouteflika, lui, dans une atmosphère de honteuse débandade, a su concentrer sur sa piètre personne 42 millions d’anathèmes proférés rageusement par la population algérienne, pour l’accompagner dans sa dernière funèbre habitation.
Bouteflika, cet édifiant personnage, le seul homme politique au monde à avoir régné durant presque 60 ans, un spécimen de machiavélisme, par sa disparition définitive, laissera à son pays, meurtri par 57 ans de dictature, un désert économique, une industrie inexistante, des services publics exsangues, des hôpitaux hideux transformés en mouroirs, une école crétinisée et islamisée, une université dévaluée antichambre du chômage, une classe politique corrompue. Mais, pour héritage de son méphistophélique règne, il léguera néanmoins à l’Algérie cette pharaonique et dispendieuse mosquée, en guise de joyau patrimonial spirituel.
M. K.
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