A qui est l’Etat ?
Par Bachir Medjahed – L’Etat appartient-il à ses actionnaires que sont les citoyens ou bien est-il privatisé au profit du pouvoir et de sa clientèle, notamment les oligarques ?
Quand on confond ou quand on distingue le pouvoir et l’Etat, il faudrait bien se demander si on fait la distinction entre les fonctions, les postes et les agissements. Dans une démocratie, lors des alternances, tous ceux qui sont concernés, car en poste, préparent leurs cartons. Même ceux qui vont les remplacer sont pratiquement connus en partie.
Quelqu’un faisait cette remarque au Parlement : «Lors des débats sur les projets de loi, c’est la majorité qui critique mais, lors du vote, c’est la majorité qui approuve. Les parlementaires savent pourtant que la loi votée renforce le pouvoir et affaiblit l’Etat.»
L’Etat, c’est la loi. Alors, il faut empêcher la loi de s’appliquer. L’Etat, ce sont les institutions ; le pouvoir, ce sont les élus, les représentants des partis politiques avant qu’ils ne représentent des électeurs. Comment affaiblir l’Etat ? Il suffit de politiser les fonctionnaires, les hauts fonctionnaires. Un ministre qui représente le pouvoir politique devrait n’avoir la haute main que sur son cabinet et non sur tous les hauts fonctionnaires, le secrétaire général ou le directeur central de ministère qui représentent la pérennité de l’administration et, surtout, pas de nommer à leur place des militants du parti.
Il ne faudrait pas qu’on verse dans la naïveté en soutenant que le peuple ne tiendrait pas à ce qu’il soit gouverné selon ses préférences, ni qu’il serait prêt définitivement à renoncer au choix. C’est ce qui se disait.
Il ne faudrait pas, non plus, verser dans la naïveté en soutenant qu’il est indifférent pour le peuple qu’il soit gouverné par des dirigeants qui gèrent l’avenir du pays tout en concevant le leur à l’étranger. Les populations ne comprennent pas que des hauts dirigeants du pays – enclins toujours à faire croire qu’ils ont emmagasiné dans leur cœur tout l’amour pour la patrie – courent s’installer outre-mer au lendemain de la mise à fin de leurs fonctions. Alors, elles ne finissent pas de s’interroger : pour quel pays ces personnalités ont-elles travaillé ?
La question se pose et se repose indéfiniment : quel pays ont-ils réellement servi avec engagement et loyauté ? N’y a-t-il pas conflit d’intérêt ?
Y a-t-il un seul peuple au monde qui ne sait rien de ses dirigeants ? Lorsqu’il y a crise de confiance envers les institutions, c’est parce qu’il y a crise de confiance envers les dirigeants. C’est parce que, également, il y a une totale confusion entre les institutions et les dirigeants que la confiance aussi bien en le pouvoir qu’en les institutions est dans une profonde crise.
B. M.
Comment (12)