Les trois lectures possibles du discours du général Gaïd-Salah à Ouargla
Par Kamel M. – En appelant à «accélérer» la mise en place de la commission d’organisation et de supervision de l’élection présidentielle, le chef d’état-major de l’ANP semble pointer un doigt accusateur vers le chef de l’Etat intérimaire. En effet, échaudé par l’échec prévisible de la rencontre «inclusive» à laquelle Abdelkader Bensalah avait appelé sans que lui-même n’y prenne part, ce dernier se tient en retrait, ne prenant aucune décision et attendant les «orientations» de l’institution militaire qui «pilote» la période de transition dont l’issue paraît de moins en moins proche.
Les «vœux» de l’armée, exprimés par la voix du général Ahmed Gaïd-Salah, sont perçus comme des «ordres» depuis qu’il a appelé à l’application de l’article 102 de la Constitution stipulant l’empêchement du président de la République et donc sa destitution. Ce qui fut fait dans les semaines qui avaient suivi son discours. L’appel lancé à partir d’Ouargla, ce lundi, signifie que la machine électorale va être mise en branle et que des contacts vont être établis dès maintenant avec des personnalités de l’opposition et des «représentants» du mouvement populaire pour tenter de constituer cette instance sur laquelle pèse la lourde tâche d’assurer le bon déroulement d’un scrutin à haut risque.
Et, justement, à propos de l’élection présidentielle, à travers laquelle l’armée voit la seule issue à la crise pour «barrer la route à ceux qui cherchent à prolonger la crise» – dixit le général Gaïd-Salah qui n’a pas nommé ces «perturbateurs» qui ont intérêt à ce que la situation s’envenime –, ce dernier n’a pas fait un abcès de fixation sur la date du 4 juillet dans son discours de ce lundi. Est-ce à dire que l’échéance électorale sera reportée de quelques mois, le temps de trouver un terrain d’entente avec les nombreux opposants à cette démarche dont certains craignent qu’elle provoque un clash entre l’armée et le peuple ?
Cette allusion claire à ceux qui veulent faire basculer le pays dans l’instabilité signifie, quant à elle, que l’arrestation des généraux Toufik et Tartag, du frère du président déchu, Saïd Bouteflika, et de la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, n’est que le début d’une liste qui risque de s’allonger. Si on a bien saisi son message, le chef d’état-major de l’ANP insinue que ceux qu’il accuse d’avoir «comploté» contre l’Etat et contre l’armée n’ont pas tous été «neutralisés».
Plus le temps passe, plus l’armée se voit impliquée davantage dans la gestion de l’après-Bouteflika. Abdelkader Bensalah joue le rôle tout à fait secondaire de gardien du temple, en attendant de remettre les clés du palais d’El-Mouradia au prochain locataire pour cinq ou dix ans. En tout cas, plus pour deux décennies.
K. M.
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