Comment l’opposition tunisienne utilise le hirak algérien pour rebondir
Par R. Mahmoudi – Les deux principales figures de l’ancien régime tunisien, Rached Ghannouchi, chef du mouvement Ennahdha, et Moncef Marzouki, ex-président de la République et proche de Doha, ont trouvé dans le soulèvement populaire en Algérie leur tremplin inespéré pour tenter de retrouver leur aura de symboles d’une «révolution» qu’ils estiment aujourd’hui menacée par les incursions des Emirats arabes et de leurs alliés.
Les deux ont, curieusement, réagi le même jour au vent de changement qui souffle depuis trois mois en Algérie. Interrogé par la chaîne française France 24 sur sa position et celle de son mouvement par rapport à la situation en Algérie, Rached Ghannouchi a répété exactement la même phrase qu’avait prononcée le chef d’Etat, Beji Caid Essebsi, au début des événements. «J’ai une totale confiance dans l’avenir de l’Algérie, affirme Ghannouchi, et je suis convaincu que les parties concernées (rue et armée) agissent avec clairvoyance, sagesse, pacifisme et civisme et que l’Algérie est sur la bonne voie.» «Les Algériens feront preuve de sagesse», avait dit Essebsi dans une déclaration le 28 mars dernier.
Evincé du pouvoir depuis quatre ans, le parti de Ghannouchi ne désespère pas de le reconquérir, tout en maintenant ses alliances tactiques avec le parti actuellement au pouvoir et en jouant les équilibristes.
Plus pernicieux et plus offensif, son allié traditionnel, Moncef Marzouki, a fait de ses attaques contre «l’axe du mal : Emirats arabes unis-Arabie Saoudite-Egypte» son cheval de bataille. Pour lui, sa chute et celle d’Ennahdha en Tunisie ont été voulues par ces trois pays qui conduisent, selon lui, une «contre-révolution» acharnée dans le monde arabe.
C’est la thèse qu’il a encore développée dans un écrit posté, mardi, sur sa page Facebook, en accusant le régime de Bouteflika d’avoir soutenu la «contre-révolution» dans son pays. «Cette révolution réussie, écrit Marzouki, constituera un bouclier pour le changement qui se produira en Tunisie lors des prochaines élections après la fermeture de la parenthèse de la contre-révolution (…) Peu de Tunisiens savent comment l’ancien régime algérien a contribué à sa victoire en 2014», lâche-t-il.
Candidat à la prochaine présidentielle, Moncef Marzouki ne rate pas l’occasion pour reprendre la propagande pro-Makhzen dont il s’est toujours fait le relais, en espérant la réouverture prochaine des frontières terrestres entre l’Algérie et le Maroc et la relance du projet de l’unité maghrébine, surtout que, selon lui, «toute la région du Maghreb est menacée par la propagation du virus émirati, qui est en train de détruire la Libye et guette actuellement la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie (…)».
Dans de précédentes déclarations, Moncef Marzouki avait avoué que seuls deux pays avaient aidé la révolution tunisienne : le Qatar et la Turquie.
R. M.
Comment (10)