Italie : triomphe de Matteo Salvini, pas de raz-de-marée du camp eurosceptique
De Rome, Mourad Rouighi – Le silence absolu qui a régné dans les médias, durant toute la journée d’hier, était prévu par le règlement électoral italien ; il a été voulu pour marquer une pause de réflexion et permettre aux citoyens de faire leur choix en toute sérénité, loin des échos d’une campagne très tendue qui a pratiquement divisé le pays en deux ; le résultat de ces élections, devenu incertain par la force des choses, a été annoncé hier en fin de soirée.
Les instituts de sondage qui prévoyaient un raz-de-marée du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Matteo Salvini ont vu juste, mais la prudence étant de rigueur, l’incertitude affichée jusqu’au bout par les observateurs, se justifiait par le pourcentage élevé des indécis, trop important pour esquisser le moindre pronostic, à quelques heures du début des opérations de vote.
Les italiens, après des semaines de tension extrême semblent donc avoir décidé des choix d’orientation de leur pays en Europe, dans plusieurs domaines, pour les cinq années à venir.
Leur choix apparaît net et ce, malgré la participation de plus de 50 partis. D’un côté la Ligue du Nord qui réalise en l’occasion son meilleur score depuis sa fondation (31%), le Parti démocratique de centre-gauche qui se ressaisit et parvient à redorer son blason après ses récents revers avec 24% et enfin le mouvement Cinq Etoiles, en léger fléchissement à 20%. De l’autre, Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi en chute libre et une pléthore de petits partis réalisant des scores en dessous du seuil fatidique des 5% qui permet d’avoir des représentants à Strasbourg.
Quant à la campagne électorale en elle-même, partie dès le mois de janvier avec une offensive tous azimuts du leader de la Ligue du Nord, force est de constater qu’elle s’est révélée payante, vécue pratiquement sur les plateaux des chaînes télévisées et radios, au gré des humeurs versatiles et des déclarations fracassantes des principaux candidats qui ont répondu, coup pour coup, aux propositions et aux coups d’éclat de Salvini.
Tous les thèmes ont été affrontés, à commencer par les programmes économiques, le modèle de société proposé par les uns et les autres, leurs recettes pour faire face à la morosité qui caractérise les fondamentaux de l’économie italienne, le dossier des migrants et les grands chantiers pour les années à venir.
Le ton de cette campagne aura été très vif, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, bien qu’alliés et soutenant le gouvernement de Giuseppe Conte, ne se sont pas faits de compliments et ont fait monter sensiblement la tension durant les derniers jours.
Les Italiens qui connaissent très bien les deux hommes, se sont rendus aux bureaux de vote, conscients de l’importance de l’enjeu et des sacrifices qui les attendent, indépendamment du parti qui sortirait victorieux de cette empoignade.
La participation électorale, traditionnellement moins élevée lors des échéances européennes, aura été d’une importance capitale ; le taux sensiblement plus élevé enregistré dans le nord du pays, aura en fin de compte favorisé Matteo Salvini et réduit les chances de Di Maio dont la base électorale se situe plutôt au Sud, régions insulaires comprises.
Cela dit, au terme d’une campagne électorale stressante à maints égards, les électeurs italiens auront certes couronné Matteo Salvini sur le plan national, mais les maigres résultats obtenus par ses alliés dits souverainistes, en Europe, tendent à relativiser l’éclat de ce triomphe.
De fait, le prochain parlement, malgré certaines nuances ici et là est loin d’indiquer une quelconque avancée des eurosceptiques; bien au contraire, l’exploit des Verts en Allemagne, en France et ailleurs, la bonne tenue des socialistes et des démocrates chrétiens, renseignent sur un courant pro-européen encore largement majoritaire dans le Vieux Continent. Et ce, au grand dam de Matteo Salvini et de ses alliés.
M. R.
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