L’archéologue Oriana Dal Bosco alerte : «Attention, site algérien en danger !»
Passionnée d’art et d’archéologie, Oriana Dal Bosco l’est vraiment, avec une attention grande et sincère pour notre pays qu’elle a visité une première fois en 1989, son premier voyage en solitaire et à seulement 19 ans, tient-elle à préciser. Passionnée, elle l’est également de voyages, elle a visité plus de 80% des pays du monde et se définit comme étant une nomade de l’âme. A 14 ans, elle décide d’apprendre l’arabe qu’elle parle parfaitement aujourd’hui, ce qui facilite beaucoup, nous dit-elle, ses contacts avec les Algériens au quotidien.
Mais, depuis quelques jours, Oriana Dal Bosco est, malgré elle, au centre de l’actualité, puisqu’elle est l’initiatrice, à travers les réseaux sociaux, d’une pétition sous forme de cri d’alarme, visant à sauver la nécropole de Bou Nouara, un site qu’elle a visité tout récemment et qu’elle entend bien, avec l’aide de ses amis algériens et de tous ceux qui ont adhéré à son appel – plus d’un millier en quelques heures – préserver de la folie destructrice de certains inconscients.
Se trouvant en ce moment à Turin, à quelques jours des faits relatés, elle a bien voulu réserver à Algeriepatriotique la primeur de ses déclarations, en insistant pour que tout soit fait afin de consentir aux autorités compétentes de constater les faits et d’agir selon la loi nationale.
Algeriepatriotique : Qu’avez-vous constaté lors de votre récent séjour en Algérie ?
Oriana Dal Bosco : Effectivement, je me trouvais tout récemment dans votre pays, dans le cadre de nos activités et de notre plan de travail, je prépare, à vrai dire, un ouvrage en langue italienne sur l’Algérie sur le plan archéologique. En compagnie de l’un de nos collaborateurs, nous nous trouvions près de Constantine pour ces excursions improvisées quand, tout à coup, nous nous sommes trouvés en face du site de Bou Nouara et quelle fut grande notre surprise de nous trouver en réalité devant un véritable chantier avec des bulldozers. On était en train de détruire les dolmens et les roches avec leurs gravures rupestres pour en faire du gravier.
Sur un site aussi important, un site classé et faisant partie du richissime patrimoine archéologique de votre pays. J’ai donc immédiatement contacté le ministère de la Culture à Alger, en l’alertant sur la gravité des faits que j’ai, hélas, eu à constater directement et photos à l’appui. Nous avons essayé, à notre niveau, de faire bouger les choses.
Que vous a-t-on répondu au ministère de la Culture ?
Le ministère de la Culture s’est immédiatement activé et, en ce moment, une réunion est en cours avec Madame la ministre. Je suis optimiste et je reste convaincue que le peuple algérien et ses institutions sauront prouver, encore une fois, leur attachement à leur patrimoine culturel et prendre les mesures nécessaires. D’autant qu’on me dit que des agissements similaires ont été stoppés net par le passé sur ce même site par les autorités compétentes.
Cela dit, une fois en Italie et encouragée par nombre d’amis algériens, j’ai lancé une pétition à travers les réseaux sociaux qui, au passage, a été très bien accueillie par le monde universitaire ; de grands instituts et des associations archéologiques ont, en effet, offert leur soutien, tant en Algérie qu’en Europe. Permettez-moi de vous dire que les messages émanant de vos compatriotes m’ont particulièrement émue et témoignent de l’attention croissante des Algériens pour leur patrimoine, leur culture et leur histoire.
Vous savez, cette nécropole est un cimetière préhistorique d’une valeur archéologique inestimable, un lieu où toutes sortes de cérémonies étaient célébrées, comme indiqué par ces figures inscrites sur les roches et les dolmens ; elle remonte probablement à l’ère néolithique et elle suscite un intérêt mondial.
Seuls quelques sites comme celui de Bou Nouara existent en Europe et attirent tant les chercheurs que les touristes, et l’Algérie a beaucoup à offrir dans ce domaine, avec ses nécropoles mégalithiques… Je pourrais vous citer Taksas, Roknia et, bien sûr, Bou Nouara.
Comment faire pour éviter que ce genre d’atteintes au patrimoine ne se reproduise ?
Je suis optimiste, mais il faut agir vite. A l’avenir, il faudra répertorier tous les sites d’art rupestre et, avec le temps, les aménager pour ce qu’ils sont, à savoir des musées à ciel ouvert. Il faudra aussi les préserver pour en faire profiter les générations futures de votre pays et du monde entier.
Propos recueillis par Mourad Rouighi
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