Nécessité pour le mouvement populaire de se structurer et pérenniser son action
Par Houria Aït-Kaci – De toutes les propositions et feuilles de route autour du dialogue pour le changement du régime en place, on observe une fâcheuse tendance à privilégier le rôle des partis politiques, de la société civile et n’accorder qu’une place marginale au mouvement populaire qui est pourtant la source du soulèvement du 22 Février. Assistera-t-on encore une fois à un détournement de la lutte du peuple algérien comme en 1962 ?
Pendant que les citoyens usent leurs chaussures à marcher chaque vendredi pour revendiquer un changement de régime et l’instauration d’une nouvelle République démocratique, des personnes qui, surfant sur la vague du mouvement, cherchent par opportunisme à se placer comme les représentants incontournables du «hirak». Elles font passer leurs propres revendications pour celles du mouvement ou, plus grave, pour celles de tout le peuple, qui ne les a pas mandatés. D’autres voudraient carrément arriver au sommet de l’Etat sans passer par la sanction des urnes, comme les islamistes, disqualifiés par l’histoire.
Le mouvement populaire, qui mobilise depuis plus de trois mois des millions d’Algériens chaque semaine pour revendiquer le départ du régime et une nouvelle République, ne peut rester orphelin de représentation. Il est arrivé à maturité et doit jouer un rôle moteur dans la dynamique du changement et dans le dialogue politique qui devrait s’ouvrir en toute logique avec l’aide et la garantie de l’Armée nationale populaire (ANP) qui, il faut bien le reconnaître, a accompagné le mouvement dans certaines de ses revendications.
Les manifestants, qui veulent passer à une étape supérieure pour faire aboutir leurs revendications et ne pas se contenter des marches du vendredi, peuvent parfaitement s’impliquer en s’organisant en comités de quartier et devenir un acteur actif du changement. Mais cette organisation doit se faire sur la base d’une charte contenant les principales revendications du mouvement et les principes démocratiques de base.
Cette charte servira pour l’élection de représentants du mouvement (1 ou 2) par quartier, qui, à leur tour, vont siéger avec les autres élus au niveau de la commune, puis au niveau des wilayas afin d’élire leurs représentants en vue du dialogue avec l’armée ou ses émissaires. Les partis politiques, associations, syndicats, étudiants doivent aussi être présents à ce dialogue mais ne peuvent parler au nom du peuple si celui-ci ne les a pas élus à la base. Dans certaines communes, les citoyens ont déjà commencé à s’organiser et à choisir leurs délégués.
Ce type de représentation à la base permet de choisir les personnes dignes de confiance, puisque les gens habitant dans une même commune se connaissent entre eux et chacun sait qui est honnête et qui ne l’est pas, qui a «détourné» des biens de la collectivité, qui vit au-dessus de ses moyens, qui a des liens avec la «bande» ou la mafia-politico-financière.
C’est de cette façon que les citoyens permettront au mouvement de ne pas s’essouffler comme le souhaite la «bande» qui veut orienter à un changement des «têtes du système» sans une transformation économique et sociale radicale de la société qui a donné naissance à la corruption, à la mafia politico-financière, à la bourgeoisie compradore liée aux multinationales. Le risque de voir reconduit le «bouteflekisme» sans Bouteflika est grand, tout comme celui d’une interférence des puissances étrangères à travers leurs lobbies et relais pour essayer d’orienter le changement de régime algérien en leur faveur.
H. A.-K.
(Journaliste)
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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