Les îles Habibas, dessous d’une gestion chaotique
Par Mohamed El-Ghazi – Algeriepatriotique a déjà alerté sur les dépassements qui touchent à l’environnement du pays, à sa faune et sa flore.
A la veille de sa visite, la ministre de l’Environnement et des Energies renouvelables, Fatma-Zohra Zerouati, à la ville d’Oran − où, selon des indiscrétions, elle visitera les îles Habibas − est interpellée sur la gestion catastrophique de ce bel archipel de 40 hectares, appelé à être une des plus belles curiosités du littoral algérien.
Une forte demande est formulée chaque année pour la visite des îles Habibas. Malheureusement, l’accès y est interdit au grand public. Seuls, quelques privilégiés ont le droit d’y aller. Notre ministre devrait se poser la question de savoir comment ce site idyllique et enchanteur, qui pourrait drainer scientifiques et ornithologues. Aux questions d’Algeriepatriotique, aucune réponse crédible n’a été donnée par les gestionnaires du site.
Un schéma de gestion, rédigé entre 2005 et 2007 par des experts nationaux et internationaux, dans le cadre de la collaboration algéro-française pour l’aménagement du littoral algérien, pour lequel une enveloppe de 3 millions d’euros fut débloquée, en 2008, par le Fond français pour l’environnement mondial (FFEM) et le ministère de l’Environnement, 1,2 million d’euros furent attribués à la gestion des îles Habibas. Ce schéma donne des directives pour une exploitation optimale de l’archipel, à savoir : droit à l’accès en respectant certaines règles, interdiction de pêcher, de bivouaquer, définition de sentiers de circulation réglementée sur l’archipel, protection des sites de nidification d’espèces rares et fragiles d’oiseaux… Des aménagements sont également prévus pour l’accueil du grand public et des scientifiques, ainsi que des locaux pour les éco-gardes du Commissariat national du littoral (CNL).
Dix années plus tard, rien n’a été fait. Pis encore, les bailleurs de fonds, revenus faire un point de situation avec les gestionnaires de l’archipel, sont rentrés déçus et ont gelé leur collaboration.
«La ministre de l’Environnement est appelée à identifier comment ont été dépensés les 1,2 million d’euros. On a le droit de se poser la question car sur l’île, aucun sentier n’a été aménagé, le quai d’accostage des bateaux est dans un état lamentable, aucune plaque signalétique n’indique que c’est une réserve protégée et sa réglementation, aucune plaque n’indique les lieux remarquables de l’île et leurs histoires, aucune construction n’a été faite pour l’accueil des éco-gardes, les scientifiques et le grand public, comme le prévoit le schéma de gestion. Deux abris préfabriqués (algeco) posés en 2012 ont été occupés un certain temps par les éco-gardes du CNL, puis de façon intermittente. Et pendant leurs longues périodes d’absence, les algecos sont squattés par des pêcheurs braconniers. Drôle de paradoxe ! Des braconniers logés par l’Etat !», nous a confié, dépité, un amoureux de ces îles.
Les cogestionnaires du CNL ne sont autres que les membres de Barbarous, dont Algériepatriotique a parlé dans plusieurs articles, mais ceux-ci n’obéissent qu’à leurs intérêts personnels et oublient l’objectif principal de la création de cette association, qui reçoit des dons pour financer la préservation du littoral ; le dernier en date était de 21 000 euros. Mis à part quelques travaux réalisés bénévolement par des membres de cette association, rien de concret n’a été fait pour la préservation de l’île Plane, classée réserve naturelle. Les responsables de Barbarous vantent leurs mérites et les travaux réalisés, assortis de photos et vidéos… d’archives.
Où est ce récif artificiel tant vanté par les actuels responsables de l’association ? Sur le terrain, rien ne subsiste. Le récif artificiel n’a tenu que trois mois, avant d’être détruit par un chalutier, il y a quatre années.
Où est Barbarous qui s’est proposée de s’occuper de l’île Plane ? Cette dernière est devenue une décharge à ciel ouvert. Pourquoi le braconnage persiste-il alors qu’il est strictement interdit ? Que font les gestionnaires et cogestionnaires de l’archipel de leur temps alors que tout est à l’abandon, comme l’illustrent les photos ci-dessous ?
Où sont passés les fonds et subventions alloués à cette association ? L’archipel serait-il devenu une propriété privée où tout se dégrade au vu et su des responsables de l’organisme de l’Etat ? Cela en a tout l’air, puisque personne ne peut s’y rendre s’il n’est pas bien vu par les responsables de Barbarous.
Les îles Habibas, classées réserve naturelle marine et terrestre depuis 2003, sous la gestion du Commissariat national du littoral, sous tutelle du ministère de l’Environnement, abritent une grande richesse en biodiversité, ce qui représente un laboratoire a ciel ouvert et un terrain de stage pour les étudiants et les scientifiques de différentes spécialités. Plusieurs espèces y sont endémiques. Seules trois espèces continuent à survivre sur ces îles : un octopus, une girelle et un chapon.
Nous espérons que la ministre de l’Environnement relèvera ces quelques anomalies que nous venons de soulever et demandera des comptes à tous ceux qui sont en charge de la gestion catastrophique de cet archipel. Nous y reviendrons.
M. E.-G.
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