Des hommes d’Etat

Bedoui Bensalah
Les citoyens réclament le départ des symboles du régime Bouteflika. PPAgency

Par Zerrouk Ahmed(*) La revue El-Djeich, dans son numéro 671 de ce mois de juin 2019, a consacré son éditorial intitulé «Sur la voie de la légalité constitutionnelle», à la réitération de la position de l’institution militaire face à la crise dans laquelle se débat notre pays, l’Algérie, depuis le 22 février 2019.

Pour l’Armée nationale populaire, «la solution passe impérativement par l’option de la légitimité constitutionnelle qui permettra au peuple l’exercice de son droit à élire le président de la République». Comme elle a estimé important de rappeler que «seul le dialogue est à même d’ouvrir la voie à une issue légale et constitutionnelle, garantissant l’organisation de l’élection présidentielle le plus rapidement possible…».

Cependant, tout est dans la sémantique. Tout le monde est pour le dialogue. Mais dialoguer avec qui ? Actuellement, les manifestants de chaque vendredi – le prochain sera le 17e vendredi –, les formations politiques, les organisations de la société civile et les organisations professionnelles sont pour le dialogue avec des personnes, des responsables qui ne soient pas des figures de l’ère des Bouteflika (le président de la République, ensuite son frère Saïd et son entourage «les entités non constitutionnelles et non habilitées, la bande qui a fait de la fraude, la malversation et la duplicité sa vocation – in communiqué du MDN du 2 avril 2019»).

Le chef de l’Etat, Bensalah Abdelkader, et le Premier ministre, Bedoui Noureddine, sont les fidèles représentants du président de la République, démissionnaire suite à l’«ultimatum» qui lui a été adressé lors de la réunion tenue l’après-midi du 2 avril 2019 au siège de l’état-major de l’Armée nationale populaire. Comment peut-on dialoguer et négocier avec ces deux hommes qui étaient de fervents et zélés défenseurs des Bouteflika jusqu’au 2 avril 2019 ? D’ailleurs, un significatif et retentissant «niet» a été opposé à l’appel au dialogue lancé le 18 avril 2019 par le chef de l’Etat.

Ces deux personnes sont décriées par la population. Les manifestants les appellent à dégager, à partir sans qu’elles n’entendent ces milliers de voix, voire ces millions de voix. La politique de l’autruche et le pari sur l’essoufflement de ce vaste et ininterrompu élan populaire salvateur sont d’ores et déjà voués à l’échec, un échec cuisant. La volonté du peuple fait briser les chaînes de l’injustice et de l’oppression.

Le peuple n’a que trop enduré l’injustice, la hogra, le clientélisme, la corruption, le trafic d’influence, le népotisme, l’enrichissement illicite et l’appropriation par de pseudo-responsables des institutions de l’Etat.

Messieurs le chef de l’Etat et le Premier ministre, votre temps est révolu. Il vous appartient, en votre âme et conscience, d’en prendre acte et de démissionner. Ayez cette décence de dignité envers votre personne et les membres de votre famille. Belaiz Tayeb vous a montré la voie. Soyez dignes et fiers.

Le dialogue auquel appelle l’institution militaire ne peut avoir lieu avec ces deux personnes. C’est une évidence et une réalité criardes dont tout le monde est conscient, sauf les deux personnes concernées.

Messieurs Bensalah Abdelkader et Bedoui Noureddine, ayez du respect pour vous-mêmes, ayez de l’estime pour votre propre personne et pensez à votre honneur, à votre nom de famille, à vos enfants et aux membres de votre famille. Mais le plus important, pensez à ce pays, à cette Algérie qui vous a tout donné : l’honneur, la considération et la richesse. L’Algérie, et le peuple est souverain, vous demande de partir. De grâce, partez. Ayez ce respect et cette fierté pour vous-même et pour votre famille.

Le chef de l’Etat est gravement malade, qu’Allah le Miséricordieux et le Guérisseur (Al- Chafi) lui accorde longue vie et le rétablissement ; et le stress ajouté à sa maladie insidieuse ne fait qu’aggraver son état de santé. Qu’attend-il pour rejoindre son foyer et vivre ce qu’Allah le Tout-Puissant lui accorde de vivre encore, dans la quiétude et l’amour des siens.

Une autre évidence s’impose : la perte de confiance dans ces deux personnes. Elle est irrémédiable. Et le projet de loi relatif à l’autorité nationale indépendante d’organisation de l’élection, initié par le Premier ministre ne sera aucunement accepté, même si le contenu de ce projet de loi présente toutes les garanties possibles et imaginables pour le déroulement d’une élection libre, transparente et exempte de toute activité susceptible de ternir les résultats.

Tout projet initié par ou sous la direction du Premier ministre Bedoui ou de l’un des ministres de son gouvernement sur le mécanisme devant prendre en charge l’élection sera frappé de suspicion et de fraude. La perte de confiance dans cette personne et son gouvernement est irréparable et ne peut, nullement, être rattrapée par l’élaboration d’un texte régissant l’organisation, la supervision, la surveillance de l’élection ainsi que la proclamation des résultats provisoires qui ne souffrirait d’aucune imperfection, soit- elle.

Que faire ? Trouver une réponse constitutionnelle, légale et politique qui puisse satisfaire le peuple, source de tout pouvoir (article 7 de la Constitution).

1- Démission du gouvernement Bedoui et désignation par l’actuel chef de l’Etat d’un Premier ministre parmi les membres de la société civile, connu pour sa probité, droiture et expertise qui aura toute latitude à choisir, seul et en toute indépendance, les membres de son gouvernement. Il va de soi que le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd-Salah, continuera, dans ce nouveau gouvernement, à assumer ses fonctions de vice-ministre de la défense nationale, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire.

2- Démission du président en exercice du Conseil constitutionnel et nomination du nouveau président du Conseil constitutionnel parmi les compétences nationales ou les membres des organisations de la société civile ou des organisations professionnelles, conformément aux dispositions de l’article 183 de la Constitution.

3- Démission du chef de l’Etat.

4- Application des dispositions de l’article 102/8e alinéa de la Constitution.

(Cette phase peut être achevée avant le 1er juillet 2019, l’Algérie dispose d’hommes et de femmes de bonne volonté, compétents et honnêtes.)

5- Elaboration et adoption du projet de loi relatif à l’autorité indépendante devant organiser, superviser et surveiller l’élection ainsi que proclamer les résultats provisoires.

6- Convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle.

7- Election du président de la République.

Cette feuille de route peut être aisément concrétisée avant la fin de l’année en cours et pourrait satisfaire les revendications des manifestants, du peuple, pour l’instauration d’un véritable Etat de droit ainsi que d’une véritable et efficiente bonne gouvernance où la primauté de la loi n’est pas un vain mot, ni un slogan de circonstance, et où les figures du régime Bouteflika et de son frère Saïd ne seront plus aux commandes des institutions de l’Etat, de ce pays, de notre Algérie irriguée par le sang de ses dignes enfants tombés au champ d’honneur.

C’est un cri du cœur, de la raison et d’amour pour mon pays.

Qu’Allah protège notre pays, notre Algérie.

Z. A.

(*)Colonel à la retraite, ex-cadre au MDN

Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.

Comment (11)

    MELLO
    15 juin 2019 - 9 h 24 min

    Yetnahaw gaa , car ce sont tous de hommes de l’Etat . Le peuple voudrais des hommes d’Etat au sens propre . Propres de tout de reproche et loin de la rente. Des hommes chargés d’une seule mission : rendre a ce peuple sa souveraineté, sa fierté et son honneur.

    Zaatar
    15 juin 2019 - 7 h 03 min

    Les arbres ont été plantés il y a de cela près de 60 ans. Les racines se sont enracinées et les ont bien poussé et ont donné des fruits. Maintenant si les fruits sont amères ou ne sont pas comestibles ce sont les arbres qu’il faudra changer, et non juste couper les branches et même jusqu’au tronc et laisser les racines. Il en faudra du temps par ailleurs.

      Louiza
      15 juin 2019 - 14 h 36 min

      Et c’est toi qui viendras nous faire de l’ombre au moment des grandes chaleurs !!!

    Elephant Man
    14 juin 2019 - 23 h 20 min

    Transition = chaos à croire que l’Irak et l’exemple actuel Libyen ne vous servent pas de leçon, donc élection présidentielle à organiser.
    N’ont-ils pas chercher en Syrie en tentant de faire tomber le Président Bachar Al Assad d’installer encore un fameux gouvernement de transition ZAAMA …un autre exemple mais machallah mis en échec.

    Observateur
    14 juin 2019 - 1 h 53 min

    La question revient donc à faire le choix entre le mode : »désignation » ou « election » des ces hommes et femmes « propres, honnêtes et experts » pour gouverner mais pour une période de transition.
    Les questions sous-jacentes :
    Par qui ces hommes et femmes « propres, honnêtes et experts » sont désignés ?
    Noter que l’ANP ne veut plus assumer cette responsabilité de désignation des hommes politiques comme fut par le passé.
    Si la majorité silencieuse du peuple et les activistes du hirak acceptent ces hommes et femmes « propres, honnêtes et experts » désignés par le pouvoir de fait (taxé de corrompu), dans ce cas à quoi bon faire des élections.
    À quoi sert un dialogue avec un gouvernement composé avec d’hommes et femmes propres, honnêtes et experts. Ce gouvernement n’est-il pas en phase avec l’opposition politique, du moment que les hommes et les femmes de ce gouvernement ne devaient jamais faire partie du pouvoir de fait actuel (ils devaient être de l’opposition). Paradox.
    S’il y a dialogue, il doit être entre « le pouvoir de fait » et ses opposants (les représentants du hirak). L’objet du dialogue est uniquement la préparation d’election présidentielle transparente dans les plus brefs délais.

    Les décideurs de l’ANP en 1992 n’avaient probablement pas le choix que d’aller vers une période de transition; c’était une situation d’urgence. La transition de 1992 nous a accouchée d’un monstre: « le système Bouteflika » : Corruption généralisée, institutions défaillantes, risque de somalisation du pays, etc.

    Mohamed k
    13 juin 2019 - 20 h 08 min

    Avec cette solution hypocrite c’est le retour au point de départ.

    lhadi
    13 juin 2019 - 19 h 58 min

    La notion de souveraineté appartient plus particulièrement à l’univers du débat philosophique et politique tel qu’il a été conduit par exemple en France. Au moment de la révolution, se sont affrontées les conceptions antagonistes de la souveraineté nationale et de la souveraineté populaire. L’enjeu était de savoir si les dirigeants devaient rendre des comptes simplement à la nation, c’est-à-dire à une fiction juridique dont ils faisaient eux-mêmes partie, ou bien au peuple qui constitue à la fois une fiction symbolique et une réalité physique. A l’époque, celui-ci se manifestait souvent dans la rue (les « journées révolutionnaires »), voire dans l’enceinte même des assemblées parlementaires, avant que l’expression de sa volonté ne se trouve institutionnalisée par le droit de suffrage pour tous. L’enjeu du débat sur la souveraineté était donc l’assujettissement de la représentation nationale à un mandant.

    Avec ou sans le recours à la notion de souveraineté populaire, poser le principe selon lequel « tout pouvoir émane du Peuple » confronte le problème de l’exercice du pouvoir effectif. Pour des raisons pratiques de dimension des Etats et de complexité des affaires, il a fallu envisager des mécanismes de délégation. Dès lors, s’impose à peu près partout la notion de démocratie représentative. Les dirigeants sont des mandataires. Ils ont donc des compétences circonscrites en principe par un texte constitutionnel.

    La rue manifestante n’est pas porteuse de légitimité politique car elle est interprétée comme ne représentant que des groupes particuliers.

    La République institutionnelle, au contraire, incarne l’ensemble des citoyens, et doit garantir leur droit à l’utilisation privée des rues. C’est ce « tout le monde » abstrait qui donne à la République sa légitimité et que les manifestations de rue ne peuvent jamais représenter ; et c’est au nom de la défense du droit de « tout le monde » à utiliser la rue que celle-ci doit être mise sous surveillance.

    La logique du gouvernement représentatif rend l’utilisation de la rue irrationnelle , incompréhensible. Ce que je résume par cette question : quelle peut bien être la fonction et surtout la légitimité de la manifestation des lors que le suffrage universel et les lois démocratiques constituent un cadre légal dans lequel chacun peut manifester sa pensée et se faire entendre ?

    La République algérienne est une démocratie indirect bi-camériste avec comme clé de voute la constitution algérienne qui est la règle la plus élevée de l’ordre juridique du pays. Elle est la loi suprême de l’Etat et à laquelle nous devons jurer loyalisme, fidélité et respect.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

    Yes
    13 juin 2019 - 19 h 47 min

    L’élection présidentielle c une évidence il faut y aller,mais comment?? Une solution simple et rapide: faire comme en 92, se mettre d’accord sur 3 ou 5 personnalités pour assurer une periode de transition de 6, 9 mois,hors constitution,une constitution qui a été foulée aux pieds plusieurs fois de toutes façons. Les personnalités sont connues: zeroual,taleb,benyelles,hamrouche,drif… Des personnalités âgées qui n’ont donc aucune ambition,sages respectées expérimentées. Leurs pouvoirs seront limités à la préparation des élections,c tout,et il faut que les citoyens comprennent ça,et qu’ensuite auront lieu les élections pour que chacun vote pour son candidat! Cette instance aura pouvoir de changer quelques articles de la constitution comme par exemple la commission d’organisation,l’indépendance des juges par un nouveau conseil de la magistrature,la dissolution de l’ANEP qui fait du chantage aux médias..et ainsi liberer la justice et la presse. Point barre.

    ZAOILI
    13 juin 2019 - 19 h 16 min

    non monsieur le chaos est déjà là instauré par la issaba avec tous ces voleurs de haut rang et l’executif actuel est le dernier rempart de cette issaba qui espere s’en sortir. C’est pourquoi notre vaillante ANP doit continuer son nettoyage pour l’instauration d’un pays de justice et de droit.

    MELLO
    13 juin 2019 - 13 h 52 min

    Une approche sereine , sobre et respectant , en filigrane , la Constitution, Bien que celle ci ait ete foulee des pieds par ses concepteurs. Une demarche qui ouvrira de nouvelles options et une nouvelle donne pour debloquer et denouer le noeud gordien .
    En effet , le pragmatisme de cette demarche satisferai toutes les parties a une seule condition :
    * Le choix des personnalites devant assurer toutes ces fonctions- aucune ne doit avoir fait partie de pres ou de loin des cercles du regime.

    611
    13 juin 2019 - 9 h 37 min

    Ce qui est recherche a travers le depart des deux « B » est simplement l envoi au k.o du pouvoir executif .Tout le monde sait que c est l executif qui fait tout marcher etc….c est la concrete realite de l etat et c est ce pense chacun.Alors une question:avec ce k.o ne cherche-t-on pas seulement le chaos?

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