Contribution du Dr Arab Kennouche – Le 5e mandat, la France et le gaz de schiste
Par Dr Arab Kennouche – Dans l’Algérie du quatrième mandat, il ne se passait plus un jour sans que l’on évoquât une reconduite tacite de l’administration en poste, sans pour autant que l’on connût les véritables ressorts d’une histoire écrite à l’avance des élections de 2019. Certaines analyses avaient tenté une explication après l’épisode du Val-de-Grâce. A cette époque, certains osèrent parler d’Accords des Invalides, sans que l’on sache véritablement quels en furent la teneur et les protagonistes.
Une chose est certaine : ce rapprochement avec la France jamais vu auparavant ne s’est sans doute pas fait sans de sérieuses contreparties économiques, voire stratégiques au profit d’une grande puissance qui a toujours su monnayer ses faveurs. Une série de signaux lancés par la Présidence alors en exercice en Algérie permettait une lecture rétrospective de ces fameux accords, qu’ils soient subliminaux ou réels. Il s’agirait de la possibilité pour les grands groupes pétroliers français, dont Total, de prospecter le gaz de schiste algérien en échange de quoi, Bouteflika se maintiendrait au pouvoir par un soutien massif de nature politique au cinquième mandat de la part de la France.
Cette hypothèse, qui paraît de prime abord absurde, semble faire son chemin tambour battant, depuis les ultimes déclarations de l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, au sujet du gaz de schiste qu’il envisageait comme une troisième voie de sortie de crise, jusqu’aux déclarations de l’ex-secrétaire général du FLN, Djamel Ould-Abbès, laissant tout le soin au peuple algérien de considérer le cinquième mandat comme une voie céleste de sortie de crise.
Ainsi, un faisceau grandissant de déclarations venaient à l’appui d’une reconduite de Bouteflika en Algérie comme en France, sur la base d’un principe essentiel, l’alacrité légendaire du «président de la République garant de la stabilité du pays». Donc, pourquoi ne pas remercier la France par un grand geste commercial ?
Mais il se trouve que le gaz de schiste algérien tant convoité par Total n’a toujours pas fait l’objet d’une interdiction formelle dans le code minier algérien alors qu’en France, depuis la loi de 2011, la fracturation hydraulique est interdite. Ce que la France s’est interdit chez elle, elle le recherche en Algérie. Mais pour quelles raisons ?
Les raisons souvent invoquées de l’exploitation du gaz de schiste tournent autour de questions environnementales, pollution des nappes phréatiques, émission de gaz méthane dans l’atmosphère. Mais il y a plus grave que cela : la fracturation hydraulique est très néfaste pour la stabilité des sols, provoquant des microséismes et un affaissement irrémédiable des sols et sous-sols géologiques. En d’autres termes, en perçant le sol par fracturation au Sahara, on fragiliserait tout le territoire désertique, en causant une déstabilisation des sols et ainsi des affaissements de terrains et des mouvements de plaques qui condamneraient toute forme de vie, comme l’ont constaté des experts américains dans le Missouri.
L’Algérie que l’on n’a pas réussi à détruire par le terrorisme de Daech serait à terme minée à jamais par un sabotage de son sous-sol irréparable. Plus puissant que Daech, ce minage bien calculé serait irrattrapable. Il suffisait qu’un vulgaire gouvernement de ministres recyclés accepte l’idée d’expériences pilotes de test in vivo dans le Sahara algérien, moyennant un cinquième mandat, pour que toute l’Algérie parte en fumée. En effet, comme l’exploitation du gaz de schiste nécessite un quadrillage assez serré des puits de forage, Total ou un autre, pourrait miner le Sahara en perforant où il le faut de sorte à détruire les sols, surtout à l’endroit où d’autres ressources se trouvent comme le gaz naturel et le pétrole. On ne pourrait plus rien y exploiter. Le peuple algérien en souffrirait du Nord au Sud.
L’Algérie n’est, en effet, pas dans la même position qu’une puissance comme la France ou les Etats-Unis. Loin de maîtriser l’ensemble des techniques d’exploration, elle ne pourrait faire face à une destruction de ses sols qui aurait un impact économique tel que l’existence même de la nation serait engagée. De nombreux géologues algériens de renom se sont élevés contre cette technique très pernicieuse : il est certain que pour une multinationale américaine ou française, percer un sol n’a aucune incidence sur ses comptes bancaires, ne partageant pas les mêmes intérêts spatiaux que l’Etat qui doit protection à son peuple sur un territoire bien défini et viable.
C’est sur cette base divergente des intérêts privés des multinationales, dont les dirigeants peuvent aller vivre ailleurs sur un sol non troué, qu’il fallait sans doute considérer la dimension d’un cinquième mandat synonyme de collusion d’intérêts privés algériens et internationaux.
Intérêts privés algériens, largement remis au goût du jour par cet Etat-FCE dirigé en sous-main par l’Elysée sur les décombres de l’Etat civil, et dont notre fameux Haddad national, tout fraîchement sorti d’un mauvais technicum algérien, n’en voyait malheureusement pas les contours. On ne lui en voudra pas.
Car si la France et les Etats-Unis venaient à percer le sous-sol algérien en y créant la plus grande confusion possible, qui pourrait, parmi les dinosaures de la politique algérienne, se targuer d’une compétence à reboucher les trous de sorte qu’on puisse au moins déambuler sur notre territoire ? L’Etat-FCE qui se profilait à l’horizon dans le sillage d’un cinquième mandat ne semblait pas mesurer les risques géopolitiques et géostratégiques de ses engagements économiques. Ou bien il ne les mesurait que trop bien à l’auge de dollars sonnants et trébuchants qui voyagent dans l’espace financier international bien plus facilement que nos Touareg du désert.
A. K.
Comment (36)