Colloque à l’Assemblée française : l’indépendance du Sahara Occidental garantira la sécurité au Maghreb
Par Amine Ben. – Le règlement du conflit du Sahara Occidental à travers l’indépendance du territoire, constitue une solution «importante» pour la sécurité et la stabilité du Maghreb et du Sahel. C’est le constat fait à l’unanimité par plusieurs intervenants lors d’un colloque à l’Assemblée française.
L’organisateur de ce colloque, le député communiste Jean-Paul Lecoq, a déclaré que «c’est bien que cette question soit posée à l’intérieur même de l’Assemblée nationale puisqu’on parle du droit d’un peuple». Pour lui, le premier impact de ce colloque est de dire qu’«on n’oublie pas que cette cause-là doit rester d’actualité et c’est important de maintenir la flamme». C’est, en substance, le point de vue de Carlos Ruiz Miguel, professeur en droit constitutionnel à l’université Santiago de Compostelle, qui a affirmé que le colloque «est venu à point nommé pour contrecarrer l’argumentaire de l’occupant marocain qui veut se présenter aux Occidentaux comme un rempart solide en matière de lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine».
Cet universitaire a déconstruit le discours officiel du Makhzen au sujet de la lutte contre le terrorisme et l’immigration illégale, relevant des «contradictions flagrantes» entre le discours et la pratique. Il a fait savoir au sujet de la drogue, que le Maroc, qui reste l’un des plus gros producteurs et exportateurs de cannabis au monde, ne s’est jamais prononcé pour la lutte contre le trafic qui constitue, selon lui, l’un des défis sécuritaires dans la région. En ce qui concerne la lutte antiterroriste, le professeur Carlos Ruiz Miguel s’est contenté d’une déclaration du ministre de l’Intérieur du roi Hassan II, Driss Basri, qui avait reconnu, lorsqu’il était en exil en France, que le terrorisme des années 1990 en Algérie était soutenu par le Maroc.
Dans ce contexte, le député Lecoq a soutenu dans son intervention que le Makhzen contribue «largement» à la déstabilisation de la région avec son occupation du Sahara Occidental et de son refus d’appliquer le droit international qui prévoit le principe d’autodétermination du peuple sahraoui. Pour lui, la sécurité dans la région, à commencer par le règlement de la question sahraouie, est un «point crucial» dans la stabilité de l’Europe et du monde. C’est là où la diplomatie française et les médias français, dans leur ensemble, ont été pointés du doigt dans le sens où des intervenants ont relevé la «duplicité» de l’Etat français et le «traitement inégal» de la presse en comparant ce qui se passe au Mali avec le conflit du Sahara Occidental qui est dans une situation de «ni guerre ni paix».
A cet effet, Sébastien Boulay, professeur à Paris-Descartes et responsable de l’Observatoire universitaire international du Sahara Occidental (OUISO), a fait remarquer que le terrorisme «ne touche pas les Sahraouis dans les territoires occupés et dans les camps des réfugiés alors que la région est infectée de groupes terroristes». Il a expliqué cette situation par le fait que les Sahraouis s’inscrivent dans un islam de paix, avec une religiosité émancipatrice qui prône la non-violence. L’attitude pacifique des Sahraouis a été longuement expliquée par le représentant du Front Polisario en France, Oubi Bouchraya, qui a énuméré les efforts de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), déployés dans les territoires libérés en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et l’émigration clandestine, malgré le fait que le Sahara Occidental se trouve dans un processus de décolonisation «inachevée». «Le Sahara Occidental, dans une situation de décolonisation inachevée, se trouve impliqué dans la lutte face aux défis auxquels est confrontée la région», a-t-il dit, soutenant que le mur de la honte érigé par le Maroc entre les territoires occupés et ceux libérés, est le «principal passage» de la drogue en provenance de ce pays.
Pour lui, la situation de «ni guerre ni paix» a favorisé l’apparition des menaces sécuritaires dans la région qui a obligé l’armée sahraouie à lutter contre le trafic de drogue et le crime organisé, indiquant que les autorités sahraouies avaient pris des mesures supplémentaires pour lutter contre les groupes terroristes qui veulent déstabiliser la région ou faire porter aux Sahraouis la responsabilité du terrorisme dans leur lutte pacifique pour l’indépendance.
L’universitaire mauritanien Slimane Cheikh Hamdi, de l’université de Nouakchott, a montré dans son analyse que la région du Sahel est un «portail sécuritaire» pour l’Europe et le monde, qui nécessite une vision globale des menaces sécuritaires incluant le règlement du conflit du Sahara Occidental dans le cadre des résolutions des Nations unies. «Nous ne pouvons pas traiter les défis du Sahara Occidental sans parler de la région du Sahel. Nous ne pouvons pas dissocier les défis sécuritaires au Sahara Occidental de ceux de la région du Sahel. C’est pour cela qu’un traitement global des défis auxquels sont confronté les pays de la région est nécessaire», a-t-il expliqué, notant que le trafic de drogue, le terrorisme et l’émigration clandestine sont le «fondement» des défis sécuritaires de la région. Il a ajouté que «chaque trafic est protégé par un terroriste et chaque terroriste se nourrit du trafic de drogue».
Pour sa part, le professeur algérien Abdelkader Abderrahmane, de l’université de Lyon, a souligné que la convoitise sur le Sahara Occidental ne repose pas «uniquement» sur les ressources naturelles, mais «elle est liée aux aspects géostratégiques», ajoutant que dans cette vision de traitement global de la sécurité de la région, «il ne faut pas dissocier le Maghreb du Sahel». Il a démontré, dans son intervention, le rôle de «leader régional» de l’Algérie dans son approche vis-à-vis des défis sécuritaires de la région. «L’Algérie assume son rôle de leader régional dans la lutte antiterroriste, même si elle ne le fait pas ouvertement. L’armée est très active pour la stabilité et la sécurité de la région », a-t-il soutenu, mettant en évidence les efforts de l’Algérie dans la résolution des crises dans la région – Sahara Occidental, Libye, Mali –, et son étroite collaboration avec la Tunisie dans la lutte antiterroriste. Pour lui, la sécurité de la région ne sera pas totale tant que le conflit du Sahara Occidental n’est pas réglé.
A. B.
Comment (20)