Mohcine Belabbès dénonce «le refus du système de permettre la construction d’un Etat de droit»
Par Mounir Serraï − Le président du RCD, Mohcine Belabbès, dénonce ceux qui, aujourd’hui, «réduisent» le contenu du soulèvement du 22 février au départ et au jugement de quelques figures du système politique qui a confisqué la victoire de la nation contre le colonialisme.
«Quelques semaines après de grandioses démonstrations unitaires de rue, l’état-major de l’armée s’est rangé par opportunisme du côté du mouvement populaire pour exiger la démission de Bouteflika. Il a, du même coup, mis la main sur l’ensemble de l’appareil répressif du pays, y compris l’appareil judiciaire jusque-là contrôlé par le clan présidentiel», a déclaré M. Belabbès à l’ouverture du Conseil national de son parti. Et d’enchaîner que «le clan symbolisé par Gaïd-Salah n’a pas pour ligne directrice de nettoyer les écuries d’Augias». «Le voudrait-il, il ne le pourrait pas pour une raison simple, c’est que lui-même, ses compagnons d’infortune dans cette aventure et leurs familles traînent des soupçons de faits de corruption comme tout le reste de la 3issaba», ajoute le président du RCD.
Pour Mohcine Belabbès, «l’opacité est un fait dans la gestion des budgets faramineux du ministère de la Défense nationale, dont les partenaires économiques et financiers sont des entités nationales mais aussi étrangères».
Le premier responsable du RCD poursuit en affirmant que «l’unique but de ce « nettoyage » par le biais de la récupération de l’appareil judiciaire est de baliser la voie pour les militaires afin d’installer une nouvelle « potiche » au niveau de la présidence de la République».
M. Belabbès souligne dans ce sillage que le soulèvement du 22 février 2019 est une «une révolte contre l’injustice et les précarités installées à tous les niveaux de la vie nationale par un régime mystificateur». «Un régime qui voulait réduire les Algériennes et les Algériens à de simples tubes digestifs et leur ôter leur humanité et leurs aspirations à vivre en liberté dans un pays libre. Le soulèvement du 22 février est la confluence de toutes les révoltes des populations algériennes et du refus de la fatalité de la dictature depuis le premier jour de l’indépendance. Ce n’est pas un mouvement de revendication, mais un soulèvement pour la réappropriation des libertés et du destin du pays», insiste le chef du RCD. Selon lui, le pouvoir vise «à affaiblir, à défaut de le liquider ou de l’étouffer, le contenu démocratique et progressiste porté par les populations dans les manifestions».
Pour Mohcine Belabès, le système politique en place, symbolisé par Gaïd-Salah, «refuse de permettre aux Algériennes et aux Algériens de construire un Etat de droit démocratique». «Cette opération qui consiste à mater et à détourner la volonté populaire a un nom : c’est la contre-révolution ! Elle a un porte-voix : Gaïd-Salah ! Elle a un programme qui consiste à créer des lignes de fracture au sein des populations, de semer la peur et la confusion en vue de se présenter comme le garant de la paix civile après avoir provoqué le pire. Elle a déjà ses clients, mais aussi ses relais objectifs», dénonce encore le président du RCD.
M. Belabbès relève dans ce contexte «la répression qui s’abat ouvertement aujourd’hui contre des composantes du soulèvement» et qui «touche avant tout les défenseurs de l’option démocratique et progressiste». Il explique en partie cela par «la disponibilité exprimée par les forces conservatrices et le repli sur soi pour se mettre sous la protection de l’armée les préservent de la furie du pouvoir de fait en abdiquant avant de livrer bataille». Mais aussi par le fait que «le logiciel politico-idéologique du pouvoir et des sphères « bazaris » de tous bords qui ont émergé sous l’aile du règne du président déchu est le même».
Le RCD alerte à nouveau sur «la division recherchée par le pouvoir de fait», qui est d’ «isoler les forces revendiquant la rupture avec le système par le moyen d’une transition démocratique qui s’inspire des principes universels, d’une démocratie régie par l’alternance au pouvoir, des libertés, avec son contenu philosophique et social et de l’’égalité en droits, le tout garanti par une justice indépendante». Il estime dans ce sillage que «la judiciarisation de l’interdiction de l’emblème amazigh a un double objectif : amputer le camp démocratique de son ancrage national et pousser le camp populiste-conservateur à se rassembler». «Les déclarations d’un Djaballah ou d’un Makri ou le silence de nombreux acteurs politiques sont significatifs d’opportunismes ancrés ou naissants qui portent en eux la peur de la démocratie et de la transparence», dénonce M. Belabbès.
Le RCD affirme avoir toujours milité pour «un regroupement plus large autour de la nécessité d’une transition». «L’objectif pour nous est de jeter les bases de la construction d’un Etat de droit démocratique, les mécanismes et leurs articulations doivent être discutés pour arriver au consensus nécessaire», précise Mohcine Belabbès pour lequel «l’option qui consiste à réduire la crise à de nouvelles élections présidentielles est la pire». «Elle est le corollaire direct de l’instrumentalisation de l’appareil administratif, sécuritaire et judiciaire. C’est la politique qui est en cours», conclut-il.
M. S.
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