Les trois acquis majeurs du hirak selon la journaliste française José Garçon
Par Saïd N. – L’ancienne journaliste de Libération et célèbre pourfendeuse de l’ANP durant les années 1990, José Garçon, s’intéresse au rôle et à la place de l’armée algérienne dans la crise politique actuelle. Elle relève dans une tribune parue dans Le Monde le caractère «inédit» de l’affichage public de la suprématie de l’institution militaire.
Présentée comme experte à la Fondation Jean-Jaurès et «spécialiste de l’Algérie», José Garçon écrit à ce propos : «La suprématie de l’institution militaire – qui, depuis 1962, a exercé la réalité du pouvoir sans partage, sauf avec les services de renseignement – est, certes, un secret de Polichinelle dans un pays où tous les gouvernements tiennent leurs charges des militaires et ne sont donc pas comptables devant le peuple. L’affichage public de cette suprématie est, en revanche, inédit.»
L’auteur de la contribution ne comprend pas que cette armée-Etat qui «a toujours veillé à se dissimuler derrière une apparence de pouvoir civil – le FLN pendant un quart de siècle puis un pluralisme de façade à partir de 1989» – consente à s’afficher et assumer son rôle de «véritable et seul colonne vertébrale du pouvoir». Pour elle, le souci de se maintenir en «société anonyme pour n’avoir jamais à rendre de comptes» n’explique pas tout.
Selon José Garçon, la détermination du soulèvement populaire a fait gagner aux Algériens trois acquis majeurs. Cela les a prémunis, d’une part, contre le spectre de la division, après les dernières manœuvres visant à bannir le drapeau berbère. Le soulèvement a, d’autre part, «consacré le réveil politique d’une société qui se bat et débat, espère et fait preuve d’une vitalité et d’une créativité impressionnantes», écrit-elle. Le troisième acquis, passé, selon elle, inaperçu marque «un changement décisif dans le fonctionnement du système car il touche aux deux constantes qui lui ont permis de se maintenir et de se perpétuer depuis l’indépendance en 1962 : une discrétion des chefs militaires proche de la clandestinité et une capacité à ne jamais laisser les luttes de clans atteindre un point de non-retour».
L’analyste relève que ces deux «garanties» de la pérennité du régime algérien «ont volé en éclats». L’omniprésence du chef d’état-major, Ahmed Gaïd-Salah, qui, écrit José Graçon, «cumule de facto les fonctions de chef d’état-major, chef de l’Etat et chef des services de renseignement» témoigne de ce rôle inédit et incertain auquel s’est astreint le commandement de l’institution militaire.
S. N.
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