Mohamed Loukal : l’Algérie dispose d’une situation financière «relativement confortable»
L’Algérie dispose d’une situation financière «relativement confortable», lui offrant une «grande» marge de manœuvre, malgré le gel du financement non conventionnel, a affirmé le ministre des Finances, Mohamed Loukal.
«Avec des réserves de change de 72,6 milliards (MDS) de dollars à la fin avril 2019 (soit deux ans d’importation), un endettement extérieur équivalant à 1% du PIB, une dette publique interne à 37,2% du PIB à fin 2018 (contre 26,7% en 2017), un prix moyen du baril de pétrole à 63,93 dollars (-6,4% par rapport à la même période en 2018) et un taux d’inflation à 3,6% à fin mai 2019, la situation financière de l’Algérie reste relativement confortable», a-t-il expliqué dans un entretien accordé à l’APS.
«Nous avons encore une grande marge de manœuvre pour répondre à nos engagements budgétaires et financiers», a-t-il assuré, rappelant que le gouvernement avait opté, à cet effet, pour une rationalisation soutenue des dépenses publiques. Pour plus d’éclairage, le ministre a fait savoir que le gouvernement allait se projeter sur une meilleure ère budgétaire, une meilleure utilisation des dividendes, du marché financier, tout en assurant un suivi plus rigoureux des mobilisations des ressources du FNI (Fonds national d’investissement). «Nous allons ensuite, a-t-il poursuivi, recourir aux techniques de l’ingénierie financière, s’appuyant sur un large domaine d’intervention.»
Interrogé sur les conséquences du financement non conventionnel, le ministre a indiqué que malgré son gel, à la fin mai dernier, des surliquidités bancaires engendrées par cet instrument, «demeuraient au niveau des banques». Pour éviter les «effets négatifs» liés à cette surliquidité bancaire, l’autorité monétaire s’est vue contrainte d’intervenir sur le marché monétaire, pour absorber un excès estimé à 1 951,1 MDS de DA, à fin avril 2019, a-t-il expliqué.
«Cette trésorerie est propice au système bancaire pour continuer à assurer, dans des conditions normales, le financement de l’économie nationale, notamment par les crédits à l’investissement», a souligné Loukal. Par ailleurs, le ministre a appelé les banques à se mobiliser pour développer l’inclusion financière, estimant qu’un «changement» au niveau des ressources humaines de ces établissements «s’avère nécessaire».
Loukal a rappelé que 1 500 à 2 000 MDS de DA d’épargne des ménages et des particuliers se trouvaient en dehors du circuit bancaire et ne pouvaient donc pas répondre aux besoins immédiats en matière de couverture budgétaire. A une question sur un éventuel recours à un emprunt obligataire national pour collecter une partie de cette épargne, le ministre a laissé entendre que cette approche n’était pas envisagée puisqu’elle a été déjà essayée «mais n’a pas permis une collecte importante de ressources, notamment pour ce qui est de l’argent thésaurisé».
Valeur ajoutée : un réel challenge pour l’économie nationale
Concernant un possible recours de l’Algérie à l’endettement extérieur pour honorer ses engagements financiers, il a indiqué que cette option ne constituait pas une priorité pour le pays à l’heure actuelle mais qu’il pourrait être envisagé pour assurer, de manière ciblée, le financement de projets «structurants et rentables».
Invité à répondre à certains analystes qui redoutent un recours imminent de l’Algérie au FMI (Fonds monétaire international), Loukal a catégoriquement écarté une telle option. «L’Algérie n’est pas sous la menace du FMI. Nous avons des réserves de change assez confortables, un endettement externe ne dépassant pas 1% du PIB et des sources alternatives qui nous permettent de continuer à assurer les dépenses de l’Etat sans un recours exclusif au financement non conventionnel», a-t-il soutenu.
Selon le ministre, l’accroissement des recettes budgétaires d’hydrocarbures en dinars à travers la dépréciation du taux de change de la monnaie nationale, utilisé en tant que levier d’ajustement des ressources budgétaires, «pourrait être un moyen d’ajustement partiel et artificiel des recettes du Trésor». Cependant, cette approche concrétisée durant la période allant de juin 2014 à juin 2016, avec une dépréciation de 28% du taux de change du dinar par rapport au dollar américain, n’a pas été appuyée par un programme global d’ajustement, «ce qui a fortement altéré sa pertinence économique», a-t-il analysé.
De surcroit, la dépendance structurelle de l’économie algérienne à l’égard des importations, soutient-il, pourrait annihiler le bénéfice de cette éventuelle «manœuvre financière». «En tout état de cause, la politique de change ne peut être guidée par le seul objectif budgétaire mais elle devrait accompagner le processus de réformes structurelles et de stabilisation macro-économique.»
Pour le premier argentier du pays, le réel challenge de l’économie algérienne aujourd’hui est l’amélioration de la productivité et de la création de la valeur ajoutée. C’est dans cet objectif que l’Etat avait pris les mesures nécessaires pour sauvegarder l’outil de production et les postes d’emploi des entreprises économiques, dont les propriétaires sont poursuivis en justice, a-t-il assuré. «Nous sommes en train de travailler au niveau du gouvernement pour dégager des solutions juridiques concernant ces entreprises, et je peux vous assurer que l’outil de production et les postes d’emploi au niveau de ces entreprises seront sauvegardés coûte que coûte», a-t-il affirmé.
L’encouragement de la production nationale et la rationalisation des dépenses passeront également par une panoplie de mesures adoptées récemment par le gouvernement pour contenir le déficit de la balance commerciale, à travers l’encadrement des activités de production et montage CKD/SKD, la régulation des importations des céréales par l’OAIC et l’instauration du paiement différé des importations.
Compte tenu de l’importance de la balance des services dans le déficit de la balance des paiements, une «attention particulière» est actuellement accordée à ce compartiment, qui connaîtra, à son tour, des mesures de rationalisation, selon Loukal.
L’autre dossier important actuellement en étude au niveau du gouvernement est celui des subventions. «La démarche visant à rationaliser la dépense publique sera confortée, de manière progressive, par la mise en œuvre de la réforme des subventions de l’Etat, avec le ciblage des populations éligibles à la compensation monétaire afin d’atténuer l’impact de la baisse graduelle des subventions sur leur pouvoir d’achat», a-t-il souligné.
Interrogé sur la date de mise en œuvre de cette réforme, accompagnée d’une expertise externe institutionnelle, Loukal s’est contenté d’assurer que «toutes les conditions sont là» pour la concrétiser.
R. E.
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