Mediapart et le «qui tue qui ?» ou le retour de la France islamo-sioniste
Par Dr Arab Kennouche – Dans le contexte d’une crise politique qui s’éternise, il fallait s’attendre en plus des tentatives de récupération pratiques du mouvement du 22 février à un retour de récupération médiatique d’un mouvement dont l’essence démocratique a été démontrée à la face du monde entier. Et pourtant, une fois de plus, de grossières falsifications émergent comme celle publiée par un certain Nesroulah Yous, dans le site français Mediapart, pour qui un retour à la démocratie signifierait une mise à nu définitive des militaires par les résidus du FIS, qui pourraient enfin se prévaloir d’une véritable démocratie, celle du 22 Février – d’où une récupération éhontée de l’auteur de l’article – afin d’obtenir justice et réparation.
En d’autres termes, dans le fond de l’article de l’auteur, la démocratie réclamée par le peuple depuis le 22 février aurait pour unique signification et conséquence – conséquence voilée d’un désir de vengeance de l’auteur – l’établissement d’une «justice transitionnelle» réparatrice qui mettrait en première ligne tout le gotha politico-militaire démocratique des années 1990.
Il est évident que l’Algérie républicaine n’apprend rien de nouveau sur les rapports entre démocratie et islamisme «politique» depuis qu’elle en a gouté amèrement les effets pervers que l’auteur oublie de signaler. Si l’auteur en question se targue des bienfaits de la démocratie saveur «justice transitionnelle» et «qui tu qui ?», qu’il subodore dans le mouvement du 22 Février, il oublie de rappeler comment ses anciens acolytes du FIS ont considéré la démocratie, elle kofr, hérétique, abominable au point d’aller la combattre le couteau entre les dents.
Ali Belhadj déclare sans ambages dans l’organe du FIS, El-Mounquid N°23, de septembre 1990, un an avant les élections législatives interrompues : «L’idée démocratique est au nombre des innovations intellectuelles néfastes qui obsèdent la conscience des gens. Ils l’entendent du matin au soir, oublient qu’il s’agit d’un poison mortel dont le fondement est impie.» L’Algérie, il est vrai, n’est pas au bout de ses malheurs avec de telles pirouettes interprétatives à la Yous : une herméneutique qui, en fait, met à nu une pensée perverse des extrémistes religieux selon un schéma désormais éculé et qui peut servir à une leçon de l’histoire.
Premièrement, on combat ouvertement la démocratie blasphématoire, certains d’une victoire par les couteaux et les bombes, comme dans les maquis de Bouyali et plus tard du FIS d’Ali Benhadj et Abassi Madani. Cependant, on se rencontre dans un deuxième temps que cela ne marche pas : bébés égorgés, femmes éventrées, victimes collatérales, les islamistes virulents essayent alors de changer de fusil d’épaule. Ils reviennent donc à de meilleurs sentiments et réclament de nouveau la «démocratie» qu’ils abhorraient auparavant : il faut prendre le pouvoir par les urnes et ne jamais le restituer !
C’est dans cette veine qu’il faut lire l’article de Nesroulah Yous qui suinte le quituquisme. On invoque effrontément la démocratie, la justice dite transitionnelle, tous les poncifs de la démocratie libérale pour défendre un front islamiste antidémocratique qui n’a jamais hésité à établir le salut (el-inqâdh) de l’Algérie justement dans l’anéantissement de la démocratie. Le comble de la perversion est représenté par ces derniers vautours résiduels qui pullulent dans les médias et voient dans le mouvement du 22 Février un retour de la question du FIS. Encore que mal invitée, tant il est criant que celle-ci a été enterrée définitivement par vingt millions d’Algériens qui chaque vendredi crient leur soif de liberté et leur haine d’une théocratie chariatique que l’on veut pourtant remettre au goût du jour. Pourquoi donc l’auteur refuse-t-il de voir ceci ?
Mais que l’on se rassure, ou bien plutôt que l’on rassure Mediapart ! Pour avoir un éclairage fidèle et propice à l’entendement des rapports démocratie-islamisme sans tomber dans un déni interminable que révèle le quituquisme, il ne faut pas uniquement se fixer sur l’Algérie des années 1990, mais voir comment la France, porte-parole de cette doctrine, l’a appliquée dans le contexte syrien. La guerre de Syrie fournit un rétro-éclairage salutaire – et une réponse définitive au qui-tue-qui – qui donne finalement raison à la stratégie éradicatrice de l’ANP des hordes sauvages du salafisme entretenues par l’Occident.
Alors que dans le contexte syrien, la France entonne le chant de la démocratie qu’il faut implanter à Damas, elle use de l’islamisme radical comme d’un cheval de Troie pour s’y implanter définitivement. Il est vrai que le soutien massif, large, indiscutable du terrorisme islamiste par l’Occident sioniste, qui a causé d’innombrables massacres, au nom de la «démocratie», n’a jamais suscité un tel débat sur «qui tue qui ?» dans ce pays. Puisque la réponse est tellement évidente et même complètement assumée par des acteurs comme Israël qui n’hésite pas à soigner les «combattants de Dieu» dans ses hôpitaux ultramodernes.
Le cas algérien était précurseur. Il trouve son prolongement logique et son dévoilement dans le contexte syrien. Loin de bénéficier de toute cette armada médiatique à la fin des années 1980, et avançant sans expérience face à un phénomène nouveau, le «qui tue qui ?» pouvait s’inviter dans le plus pur style de la désinformation. On se demande, néanmoins, pour les thuriféraires d’une telle doctrine, comme Yous, Gèze et consorts, pourquoi on ne pose pas une telle question dans la guerre de Syrie qui fait rage depuis des années ?
Que n’a-t-on entendu une telle rengaine, «qui tue qui ?», en France, quand des milliers d’islamistes sont déversés sur les frontières syriennes avec le soutien logistique de la France ? Pourquoi une telle mémoire sélective, une telle amnésie alors que, désormais, il est évident à la face du monde qu’une telle question ne se pose même plus ? Déjà, à l’époque de la décennie noire, il était notoire que l’origine de la violence était le FIS lui-même qui n’hésitait pas à égorger des soldats et attaquer des casernes. Bien avant l’arrêt du processus électoral.
Lors des grands attentats à la bombe, les chouyoukh radicaux du FIS ne les condamnèrent jamais. Ils proclamèrent le djihad après l’arrêt des législatives, mais leur violence et le sang versé remonte bien avant. Un prétexte qu’ils tentent d’avancer en occultant leur violence pré-électorale. Et lorsque Bouteflika parvint au pouvoir, les Algériens comprirent que les islamistes ne désiraient que de l’argent : ils ont vendu leur djihad du jour au lendemain, laissant des milliers de cadavres de pauvres innocents.
S’il y a bien une enquête de type anthropologique à effectuer, elle devrait concerner ce fait historique majeur de l’histoire du djihadisme adossé à la démocratie en Algérie. Comment des milliers d’islamistes qui, jadis, ont prôné le renversement de la démocratie les armes à la main, l’ont finalement réintégrée dans un vil marchandage, argent contre fin des hostilités, et ceci sans la moindre hésitation ? Ah, c’est donc de l’argent qu’il s’agissait ! Voilà la question cruciale, fondamentale, qui ne souffre aucune ambiguïté et qui devrait inspirer nos enquêteurs à Bentalha.
A. K.
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