Vent de polémique autour des appels au boycott des festivals de musique
Par Saïd N. – Plusieurs festivals traditionnels de musique sont depuis quelques jours la cible d’une campagne de plus en plus acerbe, appelant, au nom d’un sursaut citoyen contre la dilapidation des deniers publics, à les boycotter.
C’est le cas notamment du Festival annuel de Timgad (Batna) qui draine chaque été des milliers de spectateurs venant de toutes les régions du pays. Sur les réseaux sociaux, une campagne intitulée «Khellih yeghenni wehdu !» (Laisse-le chanter seul !) et largement relayée par les internautes, fait rage au point de faire des émules dans d’autres disciplines artistiques. A Sétif, des activistes ont lancé l’appel aux autorités de rediriger le budget alloué au festival de Djemila au développement local.
Mêmes pressions exercées sur la vedette internationale d’origine algérienne Soolking, de son vrai nom Aberraouf Derradji, pour le faire annuler un gala programmé le 22 août prochain à Alger. Le chanteur n’a pas annulé son spectacle mais a promis que la moitié des rentrées ira à des associations d’enfants orphelins ou malades.
Pour les promoteurs de cette campagne, l’idée du boycott s’inspire fondamentalement de l’esprit du hirak, dans la mesure où les manifestants ont toujours dénoncé la corruption et son corollaire, la dilapidation de l’argent du contribuable. Ils considèrent ainsi que trop d’argent est dépensé dans tous ces événements artistiques organisés par l’Etat, pour si peu de résultats. Pour convaincre, ils rappellent les sommes faramineuses, et tout à fait injustifiées, accordées à des chanteurs étrangers et notamment moyen-orientaux invités à donner des concerts en Algérie.
Le commissaire du Festival de Timgad, le chanteur Youcef Boukhentache, craignant une désaffection du public suite à cette campagne de boycott, tente d’en minimiser l’ampleur en accusant, lors d’une conférence de presse cette semaine, les artistes non invités d’en être les instigateurs.
Si l’idée de boycotter ces festivals continue à séduire un public sensible au discours de justice et fraîchement marqué par le soulèvement populaire contre le système, de nombreux observateurs ne cachent pas leur crainte de voir cette focalisation sur les activités artistiques dans le pays soient récupérées par les groupes salafistes qui ont été, il faut le dire, les précurseurs de ce mouvement. Brandissant les mêmes justificatifs, en y ajoutant le souci de moralisation de la vie publique, ces nervis islamistes ont déjà réussi à faire annuler plusieurs concerts de musique, à Constantine, à Tiaret et même à Béjaïa, où l’ancrage islamiste paraît être des plus faibles.
S. N.
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