Le rappel de deux ou trois évidences
Par Saadeddine Kouidri – L’Algérie, comme tous les pays du monde, baigne dans un système capitaliste. Voilà trente ans, il y avait une alternative à ce système incarnée par les Etats socialistes, dominés par l’Union Soviétique. Cette Union se disait communiste tout en développant un Etat superpuissant, contrairement au principe de son idéologie qui prônait la conscientisation du peuple avec comme objectif le dépérissement de l’Etat.
L’Algérie, au lendemain de l’indépendance, optait pour le socialisme qui découlait de la Révolution de Novembre tout en se distinguant des pays de l’Est et, surtout, de son communisme, à cause de la propagande bourgeoisie qui en avait fait un synonyme de l’athéisme, cet ennemi de l’Eglise où trône toute une papauté plus puissante que jamais que la réaction algérienne néocolonisée fait sienne.
Le lendemain de l’indépendance, la souveraineté nationale avait l’empreinte de la nationalisation des terres, des banques, des assurances, du volontariat et la solidarité des pieds rouges, la fuite des pieds noirs, de l’autogestion, la création de la monnaie nationale, la création de grandes entreprises comme la Sonatrach et, grâce à l’élan patriotique hérité de la Révolution victorieuse sur la colonisation et l’Otan, Boumediene osait nationaliser les hydrocarbures le 24 février 1971. Les économistes pro-pouvoir ajouteront d’autres faits et tairont certaines pratiques antidémocratiques qui découlent du parti unique et de la pensée unique, imposés par le pouvoir et qui ont mené aux interdictions du PCA, d’Alger Républicain, à l’emprisonnement de Boudiaf et la poursuite de dirigeants de la Révolution jusqu’à l’assassinat de certains d’entre eux qui font croire à Aït Ahmed et ses amis, dont Bouregâa, que la solution est dans le maquis !
Après la mort de Boumediene, les antisocialistes et les bourgeois sous la direction de Chadli et de Bouteflika opteront pour la privatisation jusqu’à faire de l’Etat algérien un bien familial, tout en multipliant les partis politiques de leur obédience. Ne pas discerner ces deux périodes relève du non-sens. La première période dirigée par Ben Bella et Boumediene était marquée par le socialisme-spécifique et l’antidémocratie alors que la seconde, sous la férule de Chadli et de Bouteflika, avait comme marque la privatisation et l’islamisme pour qui la démocratie est kofr (impie).
Omettre de préciser de quel système on parle est une autre façon d’éviter de nommer cet ennemi superpuissant dominant l’Univers qui est le capitalisme. Peut-on éviter le milieu dans lequel nous baignons ? La réponse est non. Le problème est donc comment s’en accommoder sans perdre son âme, comme Bouteflika et ses sbires. Le titre d’un article récent de la presse nationale «Nos banques affectent l’image du pays» me rappelle ce conseil utile : pour connaître le pouvoir, il faut suivre l’argent. Depuis le 22 février, il est clair qu’il y a plus de deux pouvoirs : celui de l’argent, celui de l’armée et celui que réclame le peuple depuis 24 vendredis. La question n’est pas qui est le plus puissant mais qui est le plus mature, le plus indépendant de la pression extérieure ou, du moins, quel est celui qui a les capacités de résister à la pression étrangère et particulièrement aux oligarques qui détiennent les richesses du monde ? Quel est le pouvoir qui peut offrir les commodités et les libertés que les peuples réclament depuis l’éternité ?
Le 22 février, toute l’Algérie a rehaussé l’estime aux yeux de son peuple et aux yeux de tous les peuples du monde, à l’image de son équipe de football à la CAN 2019. Pourquoi les institutions seraient-elles en marge de cet élan salvateur ? Pourquoi le JT qui est la vitrine du pouvoir laisse voir que rien n’a changé, à part le mannequin qui est mis debout et nous offre sa belle silhouette, sans plus ?
La réaction qui résiste au changement et qui loge dans l’antre du pouvoir rejoint celle qui fait croire qu’il faut tout changer pour ne rien changer. Le journaliste, par exemple, doit informer. Le policier doit protéger la citoyenne et le citoyen. Le travailleur doit travailler et se syndiquer pour pouvoir imposer les exigences d’un bien-être au travail et un salaire en rapport avec la moyenne de la plus-value personnelle et celle de son entreprise… Des exemples pour dire que les choses les plus simples sont parfois zappées, laissant sous-entendre qu’elles sont compliquées. Il faut continuer notre agora du vendredi et celle des étudiants le mardi jusqu’à trouver ensemble la solution pour toutes les libertés à toutes et à tous et partout et tout le temps que permet la richesse du pays. Pour cela, nous devons élever la qualité de nos débats jusqu’à pouvoir accompagner l’armée à sa vocation initiale et Gaïd-Salah à la retraite. La qualité des débats est dans la confrontation sereine des idées. Mon slogan les vendredis est «Oui à l’égalité et non à la religion en politique !» accueilli avec beaucoup de sympathie et qui choque mon camarade Aziz G. !
Pourquoi parler du système capitaliste puisque on n’a pas d’autres choix ? Effectivement, nous n’avons pas un autre choix que de nous prémunir de son hypertélie.
Tout le monde s’accorde à dire que le système capitaliste est performant, sauf qu’en s’éternisant et en empêchant toute alternative il devient dangereux non seulement pour l’Homme mais pour toute la planète.
L’histoire était simple : la machine qui a fait la richesse de la bourgeoisie en exploitant la classe ouvrière depuis le XVIIe-XVIIIe siècles avait ses limites. La lutte de classes allait ouvrir d’autres perspectives, en mettant les sciences et les techniques aux mains des travailleurs pour un développement au service du peuple. Dans cette perspective, le socialisme était l’alternative idoine. Toutes les luttes, depuis la machine à vapeur, ont échoué à faire émerger l’alternative au système capitaliste. La cause est évidente : le manque de solidarité dont le point culminant se situe exactement le 11 septembre 1973 au Chili quand Salvador Allende fut assassiné. C’est à ce moment que l’alternative au socialisme était morte et c’est l’inverse qui s’est produit depuis.
Le pouvoir, non seulement n’a pas été arraché à la bourgeoisie, il ne s’est pas élargi ; il s’est rétréci et s’est consolidé aux mains de quelques individus dont le moins fortuné est plus riche qu’un Etat. Ces quelques dizaines d’hommes superpuissants ne se soucient plus de l’intérêt de la classe bourgeoise, qui était le moteur de la production, mais du seul profit à réaliser par la vente. On devine aisément à qui profite les guerres. Les usines d’armements étatsuniennes les plus importantes au monde, par exemple, sont entre leurs mains et, pour faire des profits, ils surarment leur propre peuple et se foutent du risque de voir, comme cette semaine, des dizaines de morts commis par des racistes. Ils mènent les guerres en recourant aux mensonges que diffusent leurs médias à travers la planète rien que pour vendre et tirer des profits.
Tant qu’il y a des guerres, il n’y a pas de civilisation c’est du moins ce que nous retenons de l’évolutionnisme de Darwin que le «darwinisme sociale» va tenter de contrecarrer dès sa parution. Dans son premier livre, L’Origine des espèces, Darwin développe la sélection naturelle où la loi est que le plus fort élimine le plus faible et, onze ans après, il écrit La Filiation de l’homme où il démontre que l’évolution mène, grâce aux instincts sociaux, l’allaitement par exemple, au revers de l’élimination, c’est-à-dire à la protection du plus faible par le plus fort.
Les Occidentaux et leurs valets dans ce domaine n’ont retenu que la première thèse de Darwin, c’est-à-dire la sélection naturelle pour laisser croire que la guerre est naturelle et perpétuer le racisme, l’esclavagisme… ; tout ce qui justifie le vol, l’assassinat, le génocide…
Pour prouver que leur monde est civilisé, ils font croire que la victime de leur guerre est moins qu’un humain, un esclave, un indigène, l’autre. Pour l’Etat israélien, le Palestinien n’est pas un homme. On peut donc l’assassiner, comme l’Algérien, cet indigène avant 1962 ou cet intellectuel, ce communiste de Aziz Belgacem recherché par la police de Boumediene depuis 1965 et qui fut assassiné par les terroristes islamistes en décembre 1993 à Bab Azzoun et des dizaines de milliers d’autres au nom de la Charia de la secte que Chadli a élevée au rang de parti politique. Bouteflika, plus tard, va élever un de ses assassins au rang de personnalité nationale.
Il arrive à certains de faire la confusion entre islam et extrémisme islamiste. Il faut donc rappeler que ce dernier s’érige en protecteur de Dieu pour s’arroger l’interprétation de l’islam et se permet de juger les autres, alors que le musulman implore la protection de Dieu et il lui est recommandé d’apprendre les sciences jusqu’en Chine (sans limite géographique et sans se limiter au Coran). Le premier prône donc la science, le second l’ignorance. Mes héritiers sont les savants, dixit le Prophète.
Ce n’est plus la production qui est le moteur de l’intérêt de ceux qui dominent le monde, c’est le profit. La majorité des dirigeants et hommes d’affaires en Algérie pendant les quatre mandats côtoyaient ce monde toxique, qui a parrainé Bouteflika en 1999 pour les affaires en se souciant que du profit, jamais du produit et, encore moins, de sa production.
Les institutions de l’Etat en étaient d’abord des victimes et crescendo épousaient ce cycle décadent. Le peuple a jugé nécessaire d’arrêter cette descente aux enfers, souvent au nom du paradis, et dit non à ce système le vendredi 22 février 2019.
Les adeptes du 5e mandat sont là, tous hadj avec l’argent du social des travailleurs en milliers depuis au moins deux décennies et nous sommes là en dizaines de millions depuis seulement 24 semaines. Nous avons encore besoin de temps de dialoguer pour faire surgir la solution qui instaurera les commodités aux libertés à toutes et à tous suivant les possibilités du pays. Pour cela, nous devons prolonger l’agora du vendredi et celle des étudiants le mardi jusqu’à être capables d’accompagner l’armée à sa vocation et Gaïd-Salah à la retraite en nous libérant des «wouhouch» (monstres) et de leur immoralité que les oligarques de ce monde tentent d’imposer aux peuples, souvent enveloppée dans du religieux local, et que symbolise à Alger la mosquée aux milliards de dollars.
S. K.
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