Ce que l’ex-ambassadeur des Etats-Unis en Syrie pense de la situation en Algérie
Par Houari A. – L’ex-ambassadeur américain en Algérie et en Syrie Robert Ford considère que l’Algérie est à la croisée des chemins «mais il n’est pas encore clair, jusqu’à cet instant, quel chemin elle doit emprunter : l’évolution ou la révolution violente», affirme-t-il dans une contribution parue dans le quotidien panarabe Al-Charq Al-Awsat dans son édition du 12 août, et intitulée «L’Algérie entre le marteau et l’enclume».
Ce diplomate américain, qui dirige aussi un think thank dédié à la politique moyen-orientale des Etats-Unis, évoque le rôle de l’instance de dialogue et de médiation, conduite par Karim Younès, en considérant qu’elle est prise entre «le marteau de l’armée et l’enclume du mouvement populaire».
Pour l’auteur, le commandement de l’armée, par la voix du général Gaïd-Salah, avait vertement remis à l’ordre le panel de dialogue sur la question des préalables «mais lui-même sera désavoué par les manifestants lors du 25e vendredi de protestation où, sur une banderole, note le diplomate, on pouvait lire cette phrase sentencieuse : «Gaïd-Salah est le deuxième Bouteflika.» Par ailleurs, ladite instance de dialogue s’est vue rejeter par l’essentiel de l’opposition et des personnalités nationales.
Dans son diagnostic de la situation actuelle en Algérie, le diplomate notera que les deux camps (armée et hirak) ont leurs points de faiblesse. D’un côté, le mouvement populaire se sentant, selon lui, essoufflé, avec «le recul progressif» du nombre de manifestants dans les marches hebdomadaires et, en même temps, déçu par l’inaboutissement de ses revendications, après six mois de manifestations massives et ininterrompues, se trouve aujourd’hui dans l’obligation d’expérimenter d’autres méthodes, dont l’appel à la désobéissance civile lancé par certaines composantes du mouvement. Ce qui augure, d’après Robert Ford, d’un durcissement de la confrontation avec l’armée.
De son côté, l’institution militaire souffre, d’après l’analyse de l’ex-ambassadeur américain, de son isolement et de ses divergences avec le chef d’Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah. Le commandement de l’armée est également handicapé par le manque de soutien de la classe politique à sa cause, en dehors des deux partis de l’ancienne majorité, honnis par le peuple.
Le diplomate se pose la question de savoir si, au vu de ce diagnostic, l’Algérie pourrait échapper aux scénarii libyen et syrien. Selon Robert Ford, tout dépendra des résultats des efforts déployés par l’instance de dialogue. Or, ces efforts sont eux-mêmes tributaires de l’attitude de l’armée. Puis, il faudrait aller convaincre le mouvement populaire «qui refuse jusqu’ici d’avoir un chef ou des représentants».
«En regardant bien la situation en Algérie, en cet été chaud, un vieux dicton arabe m’est venu à l’esrpit : toute précipitation engendre des remords, votre sécurité est dans la patience», conclut-il.
H. A.
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