Fatiha Benabbou : «Le pouvoir ne doit pas être entre les mains d’un individu»
Par Karim B. – La constitutionnaliste Fatiha Benabbou s’était exprimée la veille de l’annonce du cinquième mandat et de la démission de Bouteflika qui s’en était suivie. La juriste, qui fait aujourd’hui partie du panel contesté par le Mouvement populaire, avait affirmé que «lorsqu’on fait un pacte politique, parce qu’il le faut lorsque nous sommes dans une période à constitutionnaliser, il faudrait qu’il y ait un consensus entre les forces vives, parce qu’il n’y a plus de droit, il a été balayé, ou que la Constitution est mise entre parenthèses».
Au moment de cette déclaration, fin 2018 début 2019, l’Algérie était à la croisée des chemins et le débat battait son plein sur les choix qui s’offraient alors à l’ex-président Bouteflika, dans un contexte qui était marqué par un flou total et qui augurait de la situation explosive actuelle.
Fatiha Benabbou évoquait déjà une nécessaire «négociation» et ne parlait pas de dialogue. Une négociation qui doit aboutir à un «contrat», un «pacte politique», en estimant que les questions identitaires et religieuses ne devraient pas être abordées, mais que cela ne voulait pas dire que les uns et les autres devraient inviter leurs interlocuteurs à «se débarrasser» de leurs convictions, car «c’est le patrimoine commun de tous les Algériens».
Ce membre du panel controversé présidé par Karim Younès confiait que «nous sommes dans un pays où les institutions sont très faibles». «Le pouvoir reste encore au début de sa construction», avait-elle ajouté, en précisant que l’Algérie «a deux faiblesses qu’il ne faut jamais oublier». «Nous avons un Etat faible – le pouvoir ne doit pas être entre les mains d’un clan, d’un homme, d’un individu – et nous n’avons pas encore une communauté politique.» «Or, avait-elle explicité, l’Etat moderne se construit sur une nation consciente de son parcours historique et qui n’est pas divisée. C’est le peuple conscient de son unité politique. Je dis bien unité politique, je ne dis pas unité linguistique, religieuse ou ethnique. Peu importe celui qui est à côté de moi. Qu’il soit chrétien, qu’il parle arabe ou berbère, cela m’importe peu, même si moi je suis musulmane, sunnite, cela ne m’intéresse pas, je mets tout cela dans la sphère privée.»
Pour Fatiha Benabbou, «le peuple souverain n’apparaît que lorsqu’il y a une révolution où lorsque nous sommes dans une situation d’un Etat nouveau. Le peuple est là en tant que formation souveraine pour poser le droit et pour mettre en place ses institutions». «Ce peuple, avait-elle insisté, c’est lui la caution de la légitimité. C’est lui qui va accepter de légitimer tous les pouvoirs.»
La juriste contestait la légitimité de la Constitution en vigueur, en affirmant que la révision de 2016 a été faite par le Parlement réuni en ses deux chambres sur la base de l’ancien article 176. «Cela signifie que nous n’avons pas une Constitution nouvelle puisque c’est un pouvoir constitué par la Constitution», en ajoutant que cela a été prémédité «pour qu’il y ait confusion», avait relevé Mme Fatiha Benabbou qui promettait de toujours être du côté du peuple et de «ne jamais brosser dans le sens du poil».
En acceptant de faire partie du panel rejeté par le peuple qu’elle dit côtoyer tous les jours, Mme Benabbou se contredit-elle ou a-t-elle changé son fusil d’épaule ?
K. B.
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