L’engagement est un choix !

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Marche des étudiants jusqu'à la victoire. PPAgency

Par Saadeddine Kouidri – Sur la scène politique, nous avons de plus en plus les trois options : celle de la révolution, celle de la réforme et celle de la réaction. Ils «vendredisent» tous les trois. Les révolutionnaires veulent le changement. Les réformistes veulent le dialogue. Les réactionnaires veulent l’islam politique, wahhabite hier, badissi aujourd’hui. Si l’éducation nationale a fait de la société des oulémas, ces réformistes, des révolutionnaires, les partisans de Sant’Egidio tentent de faire des victimes des coupables en souscrivant au «qui tue qui» et à l’histoire du «coup d’Etat» en 1992 et font des islamistes des partenaires stratégiques et non tactiques. Ils sont aidés, en cela, par les médias privés et publics qui sont réformistes ou réactionnaires, mais jamais révolutionnaires.

Les médias et beaucoup d’intellectuels, dont le sociologue de la «régression féconde», sont pour la réhabilitation de la réaction et valorisent son histoire auprès des jeunes au dépend de l’armée, des patriotes et des démocrates. La guerre que nous livraient les islamistes n’était pas, pour eux, une guerre contre les civils, mais une guerre civile ! A ces jeunes et à un tel sociologue qui souffre du handicap d’être loin de sa société, il faut rappeler qu’Hitler a été élu en 1933. Si l’économisme n’était pas dominant et les Allemands étaient aussi inspirés que l’ANP de 1992, parce qu’héritière de l’ALN, le monde aurait préservé des dizaines de millions de vies et des malheurs incommensurables à l’humanité. L’ANP, il faut le faire entendre aux jeunes et à l’enseignant de Lyon, nous a préservés d’une descente aux enfers au nom de Dieu. Si les trois options sont partagées par les jeunes, y compris au sein du hirak, c’est à cause de la guerre des mémoires que diffusent les médias qui s’emploient à culpabiliser la victime et innocenter le coupable.

En sus et pendant des années, on enseigne aux enfants l’aberration ; celle d’attribuer à l’association des oulémas fondée par d’Ibn Badis un rôle majeur dans la Révolution de Novembre, alors que son président, Bachir Ibrahimi (voir le témoignage de Boudiaf sur YouTube à ce sujet), s’y opposait dès le début. Aujourd’hui encore, la réaction tente de faire de l’héritier de ce dernier, Ahmed Taleb, un homme politique fréquentable pour le hirak comme Bouteflika avait fait du chef de l’AIS une «personnalité nationale».

La stratégie de la réaction est d’officialiser la religion sur la scène politique pour achever le travail des quatre mandats de Bouteflka qui n’a cessé de l’instrumentaliser. La réaction, dont Bouteflika est un des représentants, est soumise au protocole du système politique dominant en Occident qui a comme stratégie le retour aux religions comme idéologie de tous les gouvernants.

Pour se prémunir de ces pratiques néfastes, il faut revenir aux évidences dont celle de demander pourquoi un vice-ministre de la Défense ose parler au nom de l’Etat. Cette vérité élémentaire fait du slogan «silmia» (pacifique) qui chaque vendredi invite Gaïd-Salah à dégager, un acte révolutionnaire. Le commandement de l’ANP devient de plus en plus responsable de cette illégitimité et il est invité à s’en sortir au plus vite comme il a su le faire par le passé. Si on veut échapper à la réaction, l’ANP doit choisir la légalité révolutionnaire qui consiste à encourager et non pas à ordonner la mue des institutions de la République et à les respecter en écoutant le peuple qui est légitime dans tous les cas grâce à l’article 7 de la Constitution actuelle. Quand un commandement juge qu’un militaire est supérieur à son Président, il doit le dégager comme le lui dit le Mouvement et non pas tenter d’échapper à cet imbroglio en interdisant le drapeau amazigh ou en emprisonnant le jeune capitaine de la marine marchande qui a le courage de s’opposer au monopole des Emiratis sur nos ports.

Interdire le drapeau sans la loi mais par la force, tout en appelant à l’élection présidentielle est une aberration suffisante pour discréditer l’offre de Gaïd-Salah. Il est de plus en plus facile de déceler l’acte révolutionnaire de l’acte réactionnaire comme il est aisé de connaître ceux qui pratiquent la politique du «pousse-toi que je m’y mette !». Les partis qui réclament une autre transition, la constituante ou une présidentielle sans charte au préalable, clament le changement total, juste pour que rien ne change des idées dominantes du 5e mandat, celles qui prônent la soumission, la perte de la citoyenneté. Ils croient à l’homme providentiel tout en dénonçant les responsables et non leurs politiques. Ils sont pour la politique de la bourgeoise commerçante, non productive, qui a comme essence l’argent et comme unique but, encore plus d’argent, répondant par cela aux intérêts des décideurs du commerce extérieur qui a comme moteur la consommation.

Ils ont comme alliée l’inconscience de ceux qui tardent à dénoncer l’inégalité entre l’homme et à la femme dans l’héritage ou cette obligation faite à la femme d’un tuteur lors du mariage. Y a-t-il une autre inégalité spécifique à l’Algérie que celle-là ? Ils nagent dans le système tout en le dénonçant. Il faut se poser la question de savoir pourquoi le silence à ce sujet, si on fait exception des quelques femmes du mouvement féminin au sein du hirak. A cela, trois réponses. La réponse négative est que ceux qui dénoncent ce système ne le dénoncent que pour faire pire dans ce domaine ; la réponse neutre est qu’il n’y a pas encore de prise de conscience à cette inégalité ; et la réponse positive est celle-ci : puisque la femme participe à la Révolution du 22 Février, le problème est réglé.

Dans ce dernier cas, l’expérience nous rappelle que malgré la participation de la femme à la Révolution du 1er Novembre 1954, cela n’a pas empêché qu’au temps de Chadli et de Taleb Ibrahimi, le Parlement présidé par Rabah Bitat, un novembriste, de voter le Code de la famille, sous la pression des islamistes, organisés en un Daech qui avait pour acronyme MIA (Mouvement islamique armé), créé par Mustapha Bouyali et qui a sévi de 1982 à 1987, principalement dans la Mitidja. Il faut rappeler que Bouyali est un ancien moudjahid, qu’il était au maquis du FFS en 1963 et représentant du FLN à Chéraga en 1970. Son objectif avoué était l’application de la charia. Parmi ses actes terroristes, on se souvient surtout de celui qui avait ciblé dans la nuit du 26 au 27 août 1985, la caserne de police à Soumâa, près de Boufarik, où le brigadier de police, Boualem Boukazoula, a qui nous rendons hommage, avait été ligoté et achevé à coups de sabre.

Le groupe Bouyali pouvait donc se targuer de son trophée : ce code de l’infamie qui minorise la femme officiellement. Depuis, quelques amendements ont été arrachés au pouvoir par ces militantes toujours sur la brèche. L’illusion de l’égalité entretenue à ce sujet par les conservateurs doit être dénoncée pour que la Révolution retrouve sa marque qui est celle d’inscrire, non pas sur du marbre mais sur toutes les consciences, que la Révolution est dans tout ce qui donne plus de liberté à toutes et à tous, partout et tout le temps.

Enfin, si la révolution est portée par les peuples, la réforme est spécifique aux bourgeois. Quant à la réaction, elle est l’enfant de ce capitalisme dévoyé, devenu un clan. Si la première a un système économique du plein emploi, la seconde est pour l’investissement étranger et la recherche du seul profit pour la dernière.

S. K.

 

Comment (3)

    baraa
    25 août 2019 - 15 h 20 min

    Il y a deux clans pro-impérialistes, les islamistes conservateurs mais aussi des démocrates libéraux laïcistes et néoconservateurs. Ces deux clans sont utilisés par les profiteurs de l’économie de la rente et de l’importation. Face à cela il y a les différents patriotes et nationalistes authentiques. Certains sont tentés par une nouvelle version d’un socialisme plutôt laïc, en s’appuyant sur l’exemple de pays qui avancent vraiment pour le bien de leur peuple, Chine, Vietnam, Cuba, d’autres par un patriotisme islamisant comme on en voit les prémices au Pakistan d’Imran Khan, en Malaisie ou ailleurs. Tant que les progressistes algériens, plutôt « laïcs » ou plutôt « religieux » ne construiront pas à côté des courants progressistes laïcisant une théologie islamique de la libération socialisante, l’islam pourra diviser au lieu d’unir la société, ce qui profitera aux clans des importateurs verreux qui n’ont pas intérêt à ce que le pays se développe de façon autonome et égalitaire.

    RAUS
    25 août 2019 - 10 h 25 min

    On a pas vraiment le choix le HIRAK est en sortes une seconde guerre de libération;si on la perd c’est foutu pour la génération futur et aussi pour une l’Algérie juste,démocratique et prospère;a chaqu’un son devoir;et à chaqu’un de défendre sa liberté

      Kouidri
      25 août 2019 - 12 h 38 min

      Merci pour votre commentaire.Si vous faites référence à la lutte de libération nationale, il suffit de rappeler que beaucoup d’algériens n’étaient pas pour et que certains étaient carrément contre. Le choix existe toujours; il peut être conscient ou inconscient. Avec ma contribution je voulais juste vous dire qu’il n’y a pas depuis cette révolution du 22 février d’autres choix que celui du peuple c’est à dire la révolution,celui des réformistes et celui de la réaction que le monde de l’argent veut nous imposer sous couvert du religieux.

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