La France s’ouvre sur la question des disparus de la Guerre de libération
Les signes d’ouverture de l’Etat français sur l’histoire de la colonisation de l’Algérie se multiplient. Après les promesses faites par le président Emmanuel Macron de déclassifier un nombre important d’archives liées à l’assassinat de Maurice Audin par les militaires français qui le détenaient, une journée d’étude sur les disparus de la guerre du fait des forces de l’ordre françaises sera organisée le 20 septembre au Parlement français.
Il faut s’attendre à ce que les forces de l’extrême-droite française et des différents nostalgiques de l’Algérie française, qui ont déjà affiché leur hostilité à cette politique d’ouverture prônée depuis l’avènement de Macron, s’agitent pour tenter de perturber ces premiers pas vers le rapprochement tant souhaité des deux rives de la Méditerranée.
Commentant cette annonce, l’historien français Gilles Manceron s’est félicité de cette avancée sur un sujet resté tabou en France. «Dans une période, écrit-il sur son blog, où l’Algérie est tendue vers la question de son avenir, on pourrait considérer comme inutile de se pencher sur des faits vieux de plus de cinquante ans. Ou penser que cela risque de faire le jeu des forces qui, en Algérie, instrumentalisent les crimes du colonialisme pour justifier leur régime politique de plus en plus contesté. En réalité, ce retour vers l’histoire n’est pas contradictoire avec la soif d’avenir qui s’exprime aujourd’hui dans ce pays. Dans les rassemblements qui, depuis le 22 février 2019, posent le problème du futur de l’Algérie, on voit de nombreuses références à des symboles et des personnages emblématiques de la guerre d’indépendance. Poser la question des disparus lors de ce qui a été appelé la Bataille d’Alger et du reste de la guerre n’est pas contradictoire, loin de là, avec d’autres demandes de vérité sur d’autres épisodes».
L’historien note que depuis la fameuse déclaration d’Emmanuel Macron du 13 septembre 2018, devant la veuve de Maurice Audin, mathématicien et militant communiste «disparu» à l’âge de vingt-cinq ans, en pleine guerre d’Algérie, à la suite de son arrestation à Alger, le 10 juin 1957, par des parachutistes français, il y a eu un changement radical dans le discours de la République française sur ces faits. Depuis cette déclaration, la question, selon Gilles Manceron, est de savoir s’il est possible pour la France, aujourd’hui, de se limiter au cas de Maurice Audin, «sans rien dire des milliers d’autres êtres humains qui ont été eux aussi enlevés, détenus, torturés et assassinés par des militaires français». Selon lui, être fidèle à l’engagement de Josette et Maurice Audin «doit conduire à soulever le cas des milliers d’autres disparus comme lui, dans cette période qu’il est convenu d’appeler la Bataille d’Alger».
A noter que l’idée d’organiser une journée sur les disparus de la Guerre de libération nationale du fait des forces de l’ordre françaises a été lancée par plusieurs membres de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, organisme consultatif rattaché au Premier ministre. Le projet a été ensuite soutenu par plusieurs ONG internationales activant dans le domaine des droits de l’Homme, dont Amnesty international, la Cimade, l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) et la Ligue de droits de l’Homme.
M. K.
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