Une leçon de combat pacifique
Par Kaddour Naïmi – Une scène du film «Gandhi» réalisé par Richard Attenborough (disponible sur Youtube) vient à la mémoire, au regard des combats pacifiques des peuples pour leur émancipation, comme c’est l’exemple actuellement en Algérie.
Voici Gandhi à la tête d’un groupe de citoyens qui avancent pour affirmer un droit fondamental et légitime des citoyens. Leur chemin est barré par des policiers, tenant des gros bâtons en main. La tête du cortège de manifestants s’arrête, hésite, a peur, mais réfléchit. Puis, Gandhi et ceux qui sont avec lui avancent lentement mais résolus. Ils sont violemment bastonnés au point de tomber par terre où ils gisent. Un second groupe de manifestants avance. Encore bastonné de la même manière et tombé à terre. Un troisième groupe avance. Même traitement. Etc. Mais, à la fin, les manifestants triomphent : ils ont montré leur capacité à affronter la violence de manière pacifique, organisée, unie, résolue, et à y aller jusqu’au dernier s’il le faut.
Cependant, et c’est fondamental, des journalistes étaient présents et ont relaté l’événement dans les principaux journaux du pays et du monde. Ainsi, la conscience de l’opinion locale et mondiale, sensible aux injustices, fut secouée. Comment peut-elle ne pas l’être devant un combat pacifique, pour des droits légitimes, alors que l’adversaire étatique réagit avec une violence absolument inadmissible ? Ainsi, le combat pacifique de Gandhi et de ses partisans en est sorti renforcé. On connaît la suite.
Pourquoi cette scène revient en mémoire et pourquoi en faire une publication ? Parce que, lors d’une marche hebdomadaire récente en Algérie, des manifestants, réagissant à des arrestations par la police, ont crié : «Nous sommes tous prêts à aller en prison !» En effet, quel pouvoir étatique tiendrait quand des milliers, pour ne pas dire des millions de citoyens sont réellement résolus à aller en prison pour défendre des droits légitimes ?
Quant au peuple algérien, n’a-t-il pas consenti plus d’un million de martyrs, sans compter les emprisonnés, pour conquérir son indépendance nationale ? Serait-il exagéré d’affirmer : voici le peuple algérien renouant avec la dignité qui lui a permis de conquérir son indépendance nationale ? Cette dignité retrouvée sera-t-elle assez forte pour lui permettre de conquérir la phase complémentaire, celle de son émancipation sociale ? Au vu des actions dont le Mouvement populaire est victime en ce moment, d’une part, et, d’autre part, de son manque d’auto-organisation et de mandataires représentatifs, certains, déjà, estiment que le mouvement a perdu, qu’il s’agit encore d’un «ratage». Rappelons leur l’histoire sociale : les mouvements populaires sont capables de produire des surprises que nul expert, pas même un Marx ou un Lénine, ni un chef de CIA ou du KGB sont capables de prévoir. Et même si un mouvement populaire est destiné au «ratage», ceux qui lui veulent du bien ne doivent-ils pas rester avec lui afin que l’échec n’en soit pas un mais une leçon pour mieux faire ?
K. N.
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