L’affaire Karim Tabbou révèle-t-elle un début de scission au sein de la justice ?
Par Abdelkader S. – La révélation faite par Maître Mustapha Bouchachi sur les conditions dans lesquelles le militant Karim Tabbou a été libéré puis arrêté à nouveau pourrait indiquer qu’un début de scission est en train de se produire, à la fois au sein de la justice même et, partant, entre une partie des magistrats et le pouvoir militaire incarné par le chef d’état-major.
L’avocat a affirmé, en effet, que la Cour de Tipasa a ordonné la mise en liberté de Karim Tabbou avant qu’un mandat d’arrêt soit lancé par un autre tribunal, celui de Sidi M’hamed, contre la même personne quatorze heures à peine après sa libération. Si le pouvoir n’en est pas à son premier cafouillage en la matière, il n’en demeure pas moins que cet épisode est symptomatique de ce qui semble être un début de rébellion au sein de l’institution judiciaire qui refuse le diktat de l’armée et les injonctions inacceptables de Gaïd-Salah dans le fonctionnement d’un appareil qui a complètement perdu sa crédibilité auprès des citoyens.
Certaines sources affirment que les magistrats voient d’un mauvais œil un décret, passé en douce, qui assure une immunité aux juges et procureurs militaires pour que les verdicts qu’ils prononceront sur ordre de Gaïd-Salah ne se retournent pas contre eux. Des décisions dont tous les spécialistes du droit savent qu’elles sont arbitraires et non conformes à la loi. Il en est ainsi du procès expéditif de Blida, liquidé en quarante-huit heures sur instruction du chef d’état-major qui se sert de la justice militaire et civile pour régler ses comptes.
Dans les couloirs des tribunaux, de plus en plus de voix s’élèvent contre l’absence totale d’indépendance de la justice, des magistrats honnêtes commençant à refuser leur situation de soumission actuelle, conscients que leur institution est sous le joug du pouvoir. La décision prise par le juge de Tipasa risque de lui valoir les foudres de Gaïd-Salah. Mais ce dernier sait qu’une sanction contre lui pourrait être l’élément déclencheur d’une contestation généralisée des robes noires au moment où les tenants du pouvoir en ont le moins besoin.
Car, contrairement à l’image de candidats à la présidentielle «sereins» que les médias aux ordres absolus de Gaïd-Salah veulent montrer, le pouvoir sait que l’échéance du 12 décembre sera un fiasco total et que son projet ne passera pas. Sinon le chef d’état-major n’aurait pas annoncé à demi-mot qu’il sortirait l’armée pour en assurer le déroulement «normal». Pourquoi Gaïd-Salah promettrait-il de renforcer la sécurité le jour du scrutin imposé par l’armée s’il était assuré que le peuple irait voter en grand nombre et adhérerait ainsi à son plan visant à introniser un héritier de Bouteflika à la tête du pays ?
A. S.
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