Sept résolutions pour faire triompher la Révolution du sourire
Par Boudjemaâ Tirchi – La marche du 22 février était redoutée, car prévue pour un vendredi, tandis que l’appel était lancé par des inconnus. Finalement, l’opposition au cinquième mandat suscita un espoir jamais connu. Avec des attitudes saluées par le monde entier, quarante jours ont suffi pour renvoyer Bouteflika dans l’anonymat qu’il n’aurait jamais dû quitter.
Cette victoire galvanisa les indignés qui exigent désormais la démocratie avec le fameux slogan : «yetnahaw gaâ» (ils doivent tous partir). Cette tâche est colossale, car elle consiste à mettre fin au pouvoir en vigueur depuis 1962. En effet, le présidant sortant n’était qu’une partie du système. Pourtant, malgré l’élévation des revendications, les moyens de lutte demeurent sans changement : marches les vendredis et mardis avec une ambiance festive et fort sympathique, dans une douce anarchie. On y rencontre de sublimes créations et de simples défoulements, mais point de leadership ni d’organisation : l’initiative est laissée au hasard et à l’inspiration des manifestants dont on guette de nouveaux slogans. Les élites (politiques, syndicales, universitaires, etc.) ont failli à leur mission de guides de la société en se contentant de suivre le Mouvement. Ce dernier doit une fière chandelle au protecteur du régime qui lance des déclarations incendiaires depuis les casernes : grâce à lui, la motivation et le moral des troupes sont gonflés à bloc.
Finalement, le constat est flagrant : de telles méthodes ne peuvent venir à bout d’un système qui dispose de tous les moyens de l’Etat. D’ailleurs, après plus de six mois, la situation est préoccupante : les «2B» sont toujours en poste ; les adorateurs du «cadre» retrouvent leur arrogance passée en héritant de nouvelles responsabilités ; tandis que les révolutionnaires sont sur la défensive en étant harcelés par l’appareil répressif et les harraga ont repris le chemin de la mer. Quant au système, malgré son logiciel périmé qui date du siècle dernier, il est sur le point de se régénérer grâce à un plan mûrement réfléchi : verrouillage de tous les canaux d’information qui ne lui sont pas acquis ; incarcération de ceux qui contestent sa suprématie ; initiation d’un dialogue fictif et création d’une instance de contrôle des élections en recyclant d’anciens membres du clan, tout en recrutant de nouveaux venus qui veulent participer au festin ; organisation d’une présidentielle le 12 décembre afin de «recouvrer la légitimité». Après cette «élection», les forces du changement n’auront plus que leurs yeux pour pleurer, en regrettant la perte d’une occasion en or pour sortir le pays de la régression. Comme on le voit, le redressement est une question de survie, surtout qu’il faut profiter de la spirale positive procurée par le succès de la «bataille d’Alger» du 31e vendredi.
Dans une salle exigüe sommairement aménagée, une cinquantaine de personnes sont réunies en vue de la création d’un comité de sauvegarde de la Révolution. Cette initiative provenait d’un groupe d’étudiants fortement conscients qui voulaient fortifier le Mouvement en unifiant les rangs, surtout après l’intensification de la répression et les dernières arrestations (Tabbou, Belarbi, Boumala, etc.). Leur démarche avait consisté à soumettre le projet aux militants influents, intègres, patriotes et compétents qui étaient engagés au sein du Hirak à titre personnel ou issus des partis, syndicats, etc. Le rôle de ce comité est de recueillir et hiérarchiser les exigences des manifestants, tout en dynamisant l’éclosion rapide de cellules de base à l’échelle nationale qui éliront les futurs responsables jusqu’au sommet de la pyramide. Cette unification des énergies permettra d’atteindre l’objectif commun – «yetnahaw gaâ», c’est-à-dire, la fin du système. Après cela, de nouvelles familles politiques, qui se baseront sur des idéaux et non plus sur des egos, verront le jour. En toute liberté, chacun choisira sa préférence et seules des élections honnêtes et transparentes assureront la démocratie.
Si l’élu(e) échoue dans sa mission, il sera sanctionné lors de nouvelles élections. Mais avant d’en arriver là, il faut concrétiser les sept résolutions suivantes, adoptées après de fructueux débats :
1- La «Révolution du sourire» est et restera un mouvement pacifique qui prône la fraternité entre tous les Algériens en ayant pour triptyque «khawa-khawa», «silmia», «hadhara».
2- La nouvelle République sera une démocratie qui consacrera la souveraineté du peuple. Elle favorisera le développement économique (ennemi du chômage et de la pauvreté) et source du bien-être pour la collectivité. La promotion de l’identité algérienne, dans toute sa diversité, sera encouragée. L’armée et les services de sécurité seront cantonnés dans leurs nobles missions universellement reconnues.
3- Toute personne qui intègre le Mouvement le fait à titre individuel pour défendre les objectifs de la Révolution et non pas les siens, ceux de sa tribu, de son parti ou de son corps de métier.
4- L’engagement comporte un prix à payer : prison, dommages physiques, moraux, financiers et même perdre la vie comme l’ont déjà fait nos aînés. Grâce à ces sacrifices, le serment des martyrs sera enfin exaucé : garantir à tous les Algériens la dignité, la justice et la liberté.
5- La lutte consiste à combattre des idées et des comportements nuisibles à la nation et non pas des personnes – dont l’esprit souffre du sous-développement. C’est le passage d’une communauté archaïque où règne la loi du plus fort, à une société régie par les devoirs et les droits, comme l’ont récemment fait nos voisins (Espagne, Portugal, Grèce, etc.). Le bien-être profitera à tous les enfants de ce pays – y compris les partisans du système déchu.
6- Pour atteindre ce but, il faut une organisation qui s’inspire de la Révolution de 1954 qui trébucha, suite au départ du coordinateur (Boudiaf) au Caire. Le Congrès de la Soummam était venu pour assurer le redressement, sous l’impulsion de deux géants : le présidant Ben M’hidi et le secrétaire, Abane, l’âme et l’architecte de la Révolution. L’apport principal fut l’unification des rangs en intégrant la région du Sahara (délaissée au 1er Novembre) ainsi que l’organisation collégiale qui avait éliminé le «zaïmisme» (course au leadership) odieux et le règne néfaste de l’ego.
7- Structuration provisoire : au sommet de la hiérarchie, le Comité de coordination et d’évaluation (CCE) de sept membres représentant les sept commissions suivantes : a. Action : organisation et conduite des marches ; b. Economie et finances (définition et réalisation) ; c. Information (définition et action) ; d. Jeunesse, sport et culture : activités juvéniles, sportives et culturelles ; e. Juridique : définition et conduite des luttes juridiques ; f. Relations externes : diaspora ; g. Sociale : définition et actions sociales.
L’attribution des responsabilités en fonction des compétences (la femme ou l’homme qu’il faut à la place qu’il faut) ne rencontre guère de sérieuses réserves. En effet, chaque participant est persuadé qu’il est là pour servir et non se servir en prenant exemple sur les vrais moudjahidine et les martyrs. La participation à ces structures est réservée à une tranche d’âge, mais les recalés ne seront pas abandonnés : les juniors intègrent le Comité des jeunes qui les forme pour l’avenir. Les séniors sont affectés au Comité des sages, un réservoir d’acquis dont profiteront les cadres en activité.
B. T.
Auteur de Réplique au Livre noir de la psychanalyse
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