«Emeute au sommet du pouvoir» ou quand Gaïd-Salah tirait les rideaux
Par Youcef Benzatat – La détonation Tebboune avait eu le mérite de révéler à l’opinion l’«émeute qui s’est déclenchée au sommet du pouvoir», mettant en lumière les rivalités claniques pour la succession de Bouteflika, celle de son propre clan au sein même de l’armée face à celui de l’état-major sous le commandement de Gaïd-Salah. Au-delà du limogeage de Tebboune, en août 2017, le remaniement ministériel avait poussé à la porte de sortie tous les ministres et les hauts cadres de l’administration proche de l’état-major, suivi de l’annulation des principales initiatives que l’ex-Premier ministre avait prises et qui menaçaient les intérêts du clan adverse. C’est dire que la guerre ne faisait que commencer.
La riposte du clan adverse n’a pas tardé à venir. Dans une déclaration faite à Constantine, le chef d’état-major, Gaïd-Salah, avait émis un message des plus clairs : l’ANP est une armée républicaine et n’entend pas déroger à sa mission constitutionnelle. Un message adressé à l’opinion et surtout à la classe politique de l’opposition qui demandait à l’unissant d’appliquer l’article 102, à savoir, anticiper la fin de la présidence de Bouteflika pour vacance du pouvoir. Un message plutôt sournois et autiste, qui ne se drapait d’aucune sincérité, dont la finalité était de tirer les rideaux sur cette émeute qui faisait rage au sommet du pouvoir et de la contenir dans la clandestinité. Loin du regard de l’opinion et de la classe politique de l’opposition à qui il avait adressé une fin de non-recevoir.
Dans le cas contraire, c’est toute la société civile qui en serait sortie vainqueur. Car une telle initiative de l’ANP devait restituer la présidence aux civils en veillant à son élection par un suffrage universel honnête et transparent. Le tiré de rideaux de Gaïd Salah avait justement pour finalité d’empêcher que cela se produise, car l’armée n’est pas prête à rendre le pouvoir aux civils ni à accepter de se soumettre à l’autorité d’un Président civil élu par le suffrage universel. En vérité, ce serait plutôt la position inverse qui aurait eu un caractère constitutionnel. Il y avait, en tout cas, véritablement matière à violation de la Constitution de la part du clan qui persistait à maintenir Bouteflika à la présidence malgré son empêchement avéré.
Le message donc était clair et sans ambiguïtés. L’armée n’envisageait nullement de remettre le pouvoir aux civils et au moment venu, lors de l’échéance présidentielle qui était prévue en avril 2019, un consensus au sein de l’armée sur la base d’un compromis inter-clanique allait se charger de désigner un successeur à Bouteflika dans la clandestinité, comme à l’accoutumée depuis la disparition du régime politique de Boumediene. Et, comme à l’accoutumée, la myriade de partis d’opposition et de personnalités civiles, qui font mine de demander à l’armée d’accompagner le changement, au lieu de lui demander de respecter sa mission constitutionnelle, à savoir remettre le pouvoir aux civils, sont cooptés pour contribuer à la perpétuation du statu quo par la consolidation de la façade d’un Etat républicain et son habillage par une façade démocratique.
Y. B.
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