Le mépris des peuples est leur handicap
Par Saadeddine Kouidri – Le mouvement citoyen et sa marche paisible, souvent festive, toujours pacifique, donnent l’impression d’une sorte de catharsis de tout un peuple, pas seulement pour se libérer de la peur, mais pour libérer leur patrie du mal qui la poursuit depuis la colonisation et bien au-delà. On voit que ce n’est pas seulement de la démission du président Bouteflika qu’il s’agissait, mais de l’extraction des racines du mal et non le mal uniquement. L’emprisonnement pour délit d’opinion empoisonne ce mouvement comme la date du 12 décembre et prouve que le mal résiste et que la catharsis doit donc se poursuivre.
L’élection présidentielle avec les mêmes attributions que celles du président précédent fait du 12 décembre un jalon pour officialiser le candidat qui doit poursuive la même politique du grand capital, sous la dictée des gouvernements étasunien, israélien, français, émirati et saoudien.
Malgré les crises économique et financière, dont les résultats sont ces guerres incessantes, la privation du minimum vital à des populations toujours plus nombreuses, s’ajoute la pollution qui met en danger les océans, les mers, les fleuves et l’air des villes ; les intellectuels de la bourgeoisie font de la concurrence dans l’économie de marché, l’équivalent de la sélection naturelle du monde animal pour ancrer dans les esprits des décideurs que le capitalisme est naturel et que, par conséquent, il n’a pas d’alternative ! Leurs patrons sont de moins en moins nombreux mais de plus en plus riches, font taire ou chahuter toute voix discordante. Ils prennent donc soin d’interdire l’enseignement et la diffusion des idées et réflexions de ceux qui prouvent, science à l’appui, que l’évolution ne peut se faire que par le dépassement d’un tel système politique.
Pour preuve, Ils n’enseignaient pas la lutte des classes et n’enseignent toujours pas les dernières études de la sélection naturelle de Darwin. Leur programme prend bien soin d’élaguer les dernières observations du savant, contenues dans son dernier livre «La filiation de l’homme» où il prouve que l’animal lui-même à tendance à évoluer vers la protection du plus faible, contrairement aux dirigeants du monde actuel et à l’enseignement de leurs professeurs. Leurs mentors encouragent les racismes, cultivent l’eugénisme pour justifier le mépris des peuples
«Echaâb r’khiss», le peuple est méprisable pensent les féodaux, les bourgeois, ceux qui naissent riches, les traîtres à leur société et les inconscients. Le grand capital a opté, en ce qui concerne l’Algérie, d’affaiblir la Sonatrach pour livrer nos richesses naturelles aux Occidentaux et nous maintenir dans les conditions de l’indigène. La mission des gouvernants est d’offrir à leur maître, le grand capital, les richesses du pays en contrepartie du pouvoir local.
Les Algériens partagent plus d’un trésor en commun. Citons quelques-uns : la patrie de Takfarinas, de la Kahina, de Tabbou…, l’amazighité de Mamri, l’islam d’Ibn Badis, la République de Boudiaf et les richesses naturelles payées au prix du sang d’un millions et demi d’Algériens. Il est donc interdit à quiconque de s’y frotter sans finir par perdre son âme. Y toucher équivaut à une déclaration de guerre au peuple à l’instar du système politique depuis des décennies et du FIS des années 90. Malgré quatre mandats, vingt ans de règne, Bouteflika n’est pas parvenu à achever la mission qui lui a été confiée, celle d’affaiblir la Sonatrach au point de livrer les hydrocarbures algériens aux majors. C’est ce dossier que Bouteflika n’a pu mener à terme et qui a été certainement la cause de son AVC.
Au 34e vendredi, on entendait deux nouveaux slogans : «jibdoulou les dossiers tahakmou l’AVC» (montez lui les dossiers, il chopera un AVC) et «dirilou la pression tatlaâlou la tension» (maintenez la pression, il aura une hypertension).
La loi sur les hydrocarbures serait-elle un de ces dossiers sachant que sa programmation dans l’urgence et dans l’état actuel était imprévisible ?
On remarque, contrairement aux vendredis précédents, qu’à ce 34e, il n’y a ni interpellation ni arrestation. Et, comme d’habitude, les manifestants exigent le départ des oligarques, la libération des détenus pour délit d’opinion, condamnent la répression et particulièrement celle du mardi passé sur les étudiants et pour la première fois, se penchent sur un volet économique en apparence car, en réalité, il est éminemment politique en condamnant le projet de loi sur les hydrocarbures, ce dimanche 13 octobre, par une forte mobilisation le jour même où le gouvernement se réunissait pour l’adopter.
A la lecture du projet et contrairement à ce qui a été répandu, la loi mentionne dans son article 9 que «les titres miniers ne confèrent pas le droit de propriété du sol ou du sous-sol». Par contre, elle donne la nette impression que si ce n’est pas de la privatisation du sol et du sous-sol qu’il s’agit, elle est celle de toutes les activités du secteur. Je n’ai qu’un seul argument à avancer, celui de constater que cette loi englobe tout comme si le gouvernement et d’autres institutions de l’Etat n’existaient pas. En sus, elle attribue au ministre de larges prérogatives particulièrement sur les concessions ! La privatisation n’est pas du côté où on l’attendait, surtout que «l’exercice des activités des hydrocarbures constituent un acte commercial» comme mentionné dans l’article 10 de la loi. En un mot, cette loi ne brade pas en faveur des étrangers mais est pour la privatisation du secteur. Le souci de l’investissement étranger affiché dans les médias comme la raison majeure de la nouvelle loi apparaît comme un autre leurre, car le problème n’est pas dans la loi précédente, mais dans la politique d’un pouvoir corrompu qui a affaibli les entreprises et particulièrement la Sonatrach et les institutions comme le Conseil national de l’énergie.
S. K.
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