Rahabi au journal Le Monde : «Le statu quo n’est plus possible en Algérie»
Par Mounir Serraï – L’ancien diplomate et ministre de la Communication Abdelaziz Rahabi affirme que l’Algérie est «le pays le plus fermé de la Méditerranée alors que le peuple est mondialisé».
Dans un entretien au journal Le Monde, Rahabi souligne le «décalage profond qu’il y a entre la société, en lien avec le temps réel, et la structure gouvernementale, le fonctionnement de l’Etat, qui est archaïque et qui manifeste une très forte résistance au changement». «Soit parce qu’il n’a aucune vision de l’avenir, soit par crainte de perdre sa rente, ses intérêts. Il est incapable d’accompagner la transformation de la société sans vouloir en contrôler tous les tenants et les aboutissants», assure cet ancien diplomate qui a œuvré, vainement, pour un dialogue national, en juillet dernier, pour une issue consensuelle à la crise.
«Prenons Bouteflika. Pendant vingt ans, il n’a pas construit un Etat, il a construit un pouvoir. C’était un Président omnipotent qui décidait de tout, qui a construit son pouvoir à coups de complicités étrangères, en dépensant la rente… Or, il s’est effondré en une semaine, car il n’a pas construit d’Etat. Il a neutralisé toute forme d’intermédiation entre lui et le peuple. Son pouvoir ne reposait que sur des allégeances», précise Rahabi pour lequel «à défaut d’accompagner le Hirak, le pouvoir cherche à le neutraliser dans une tentative d’assurer la continuité du système Bouteflika. Le principe d’une élection n’est pas rejeté».
«Ce qui est rejeté, ce sont les conditions dans lesquelles elle va se dérouler. Or, les conditions d’une élection régulière et transparente ne sont pas réunies. Ce que nous demandons, c’est la mise en place de mesures de confiance et d’apaisement», soutient cet ancien diplomate qui dénonce les arrestations et la répression qui touche, en plus des militants politiques, la presse. Il estime que «la demande de démocratie en Algérie est endogène, ce n’est pas une greffe voulue par l’étranger. Le pouvoir a des réflexes sécuritaires en emprisonnant et en réduisant au silence les opposants et les médias, alors que la crise est politique. Et la solution est forcément politique».
Pour Rahabi, «tout est possible» dans le contexte actuel. «Un faible taux de participation à la prochaine élection va entacher la légitimité et la crédibilité de celui qui sera élu. Un candidat élu dans ces conditions hypothèque forcément sa présidence. J’ai peur qu’on mette en place les conditions d’une ingouvernabilité de l’Algérie», argue-t-il. «Nous entrons dans une phase de transition. Celle du passage vers un système démocratique, car le statu quo n’est plus possible. Il est peut-être dans les calculs d’une partie du système mais il n’est pas dans celui du peuple algérien», souligne-t-il, ajoutant que le peuple algérien n’est pas sorti, et il ne sort pas, dans la rue depuis huit mois pour avoir un système édulcoré ou la reproduction du même système sous d’autres formes.
M. S.
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