Interview – Ali Laskri : «Ce pouvoir va finir par tomber quoi qu’il fasse !»
Algeriepatriotique : Le Mouvement de contestation populaire veut passer à de nouvelles formes d’actions pour combattre le régime, dont le recours à la grève générale. Que pensez-vous de cette démarche ?
Ali Laskri : Il y a une grève ce 28 octobre. Nous sommes solidaires, nous avons appelé à la rejoindre. Il y a aussi la Confédération des syndicats autonomes, il y a la Confédération de la Fonction publique qui sont venus nous voir comme force de l’alternative démocratique. Nous, sous sommes d’accord avec eux, s’il y a une grève générale, pourquoi pas ? Ce pouvoir qui n’écoute pas le peuple doit répondre.
Il y un moudjahid qui est membre fondateur, avec Hocine Aït Ahmed, du FFS et qu’on traite de traître. Il est signataire du pacte de l’alternative démocratique et on l’a mis en prison. Il a fait une rupture avec le pouvoir militaire en 1962, il a fait une rupture avec le pouvoir militaire d’aujourd’hui. Il veut une vraie alternative démocratique. Mais ils n’en veulent pas, et c’est pour cela que le peuple va sortir le 1er novembre. Et je dis aussi, l’ONM, l’organisation des anciens moudjahidine, doit s’exprimer une fois pour toutes par rapport à la libération du commandant Lakhdar Bouregâa, commandant de l’ALN de la wilaya IV historique parce que devant l’histoire, ils seront condamnés s’ils ne le font pas.
Le 1er Novembre, le peuple algérien va répondre, et au mois de novembre aussi, s’il y a une grève générale, le peuple algérien va répondre également. Et ce pouvoir va tomber quels que soient les manœuvres et les simulacres qu’il va mettre en place. Il y aura une élection, mais les Algériens vont aller vers une deuxième République. On a eu une première Révolution mais elle a tardé, 1954-62. Celle-ci, c’est la même chose. C’est une deuxième Révolution pour libérer le peuple qui s’est autodéterminé définitivement et s’est réconcilié avec lui-même et on ne peut plus le diviser. Ce qui reste maintenant, c’est qu’il exerce sa souveraineté librement ; c’est-à-dire, avoir une nouvelle Constitution et aller vers une deuxième République.
Jusqu’où ira le Mouvement de contestation populaire, selon vous ?
Aujourd’hui, il y a un consensus pour un changement radical par rapport au système que nous avons subi depuis 57 ans. C’est un pouvoir militaire. Aujourd’hui, le problème pour les Algériens c’est de se libérer, prendre leur indépendance, aller vers une deuxième indépendance. C’est une deuxième révolution populaire, pacifique pour un changement radical. Les Algériens veulent un Etat de droit, la liberté, la démocratie, l’indépendance de la justice, la justice sociale, et ils ne vont pas reculer.
Les islamistes ont pris le pouvoir en Tunisie. Pensez-vous que le même scénario pourrait se répéter en Algérie ?
Aujourd’hui, le problème ce n’est pas les islamistes. Aujourd’hui, nous voulons la démocratie, nous voulons des élections libres et nous allons mettre des garde-fous. Nous voulons nous libérer, nous voulons un dialogue ouvert. Nous avons fait un pacte avec les Forces de l’alternative démocratique. Nous voulons faire un pacte consensuel, même avec les autres, dans la transparence et avec des garde-fous, comme je viens de le dire.
En Tunisie, Ghannouchi est au pouvoir, il a la majorité mais n’a pas touché à la modernité de la Tunisie et lorsque les Tunisiens ont amendé la Constitution, ils ont mis des garde-fous. Nous aussi, nous allons en mettre. Aujourd’hui, le problème des islamistes n’est pas celui des années 1990. Nous sommes dans une révolution pacifique, les Algériens sont matures, ont pris conscience et ne vont pas laisser les islamistes être au pouvoir demain parce que, aujourd’hui, ils demandent la démocratie, la modernité dans notre pays. Le peuple a changé complètement depuis les années 90.
Vous dites que les islamistes des années 1990 ne sont plus les islamistes d’aujourd’hui. Est-ce à dire qu’ils ont changé de vision ?
L’Algérie est cimentée, c’est vrai, par l’islam. On est pour la liberté du culte et on a fait des propositions très claires. Si demain il y a un pacte politique consensuel, s’il y a une nouvelle constitution, il y aura des garde-fous dans le cadre de la transition. Mais ceux-là ne veulent pas justement de la transition pour qu’on mette ces garde-fous pour aller vers une véritable transition démocratique avec des instances au sein d’un gouvernement de transition, une Constitution, une Assemblée nationale souveraine où il y aurait des garde-fous pour qu’on ne touche pas, justement, aux valeurs de la démocratie, aux valeurs la modernité, à la liberté de culte, à la séparation du religieux et du politique… Mais tout cela devra être discuté et débattu dans un cadre organisé et transparent.
Le pouvoir a fermé la seule chaîne de télévision qui couvrait le Mouvement de contestation populaire. Quel commentaire faites-vous de cette décision arbitraire ?
Le pouvoir de fait a fermé tous les médias et n’a laissé que la chaîne publique, il a aussi fermé des chaînes privées, privant ainsi les Algériens de l’information concernant les manifestations. Aujourd’hui, il ne reste que Berbère TV et El-Magharibia. Elles sont les chaînes du peuple. Les Algériens se sont réconciliés à travers les 48 wilayas et avec la diaspora à l’étranger.
Le problème n’est pas une chaîne, l’essentiel c’est ce que cette chaîne est en train de répercuter : un message et une image, et les Algériens sont en train de suivre cette image qui est transmise dans le monde entier. Aujourd’hui, toutes les chaînes au niveau international suivent ce mouvement révolutionnaire, et il n’y que Berbère TV et El-Magharibia qui sont en train de donner cette image énorme de la révolution du Sourire. Aujourd’hui, la plupart des chaînes ne montrent pas ces images, c’est grave ! Elles doivent porter cette révolution pacifique sur la question des droits de l’Homme, sur la question des slogans qui sont portés dans la rue, pacifiquement et sans aucun incident.
J’ai été à Constantine cette semaine et à Oran, pareil, aucun incident. Et il aujourd’hui, il n’y a qu’El-Magharibia qui est en train de suivre. C’est pour cela que le peuple la scande et moi aussi je la scande avec eux. On n’a pas peur d’autre chose, ils ne peuvent pas nous manipuler, ni les chaînes étrangères, ni celles présentes. L’essentiel, c’est qu’elles rapportent ce qu’il y a dans la rue dans la transparence. Elles rapportent ce qu’il y a dans la rue, les slogans qui sont dans la rue.
Comment voyez-vous la deuxième République, l’Algérie de demain ?
L’Algérie de demain sera une nouvelle génération qui veut une nouvelle Constitution, une nouvelle République, un Etat de droit, la protection des droits de l’Homme, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui en Algérie, ne veut plus de cette justice du téléphone et réclame l’indépendance de la justice.
Il n’y pas de mesures de détente, ni d’apaisement pour aller vers une élection. Ils sont en train de faire le contraire et utilisent la force, ils enlèvent les gens dans la rue et chez eux, chose que nous avons vécue pendant la période coloniale. C’est très grave ! Ces méthodes-là doivent cesser définitivement. Ce peuple, justement, est en train de lutter contre ces méthodes, et d’une manière pacifique. Et même s’ils le poussent à la violence, il refuse.
Propos recueillis par Salima R.
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