Quand Bensalah mentait à Poutine Russia Today couvrait le Hirak algérien
Par Nabil D. – Homme d’arrière-garde dépassé par les nouvelles technologies, Abdelkader Bensalah mentait à son interlocuteur russe sur les manifestations en Algérie pendant que la chaîne d’information russe Russia Today diffusait des images des gigantesques marches à travers tout le pays. D’où le regard sarcastique accompagné d’un sourire narquois de Vladimir Poutine, bien plus au fait de la situation en Algérie que son hôte algérien lui-même.
La chaîne de télévision russe invitait au même moment une journaliste pour commenter le 36e vendredi de manifestations, sur fond d’images montrant des millions d’Algériens battant le pavé en réclamant le départ des symboles du système et en rejetant la mascarade électorale du 12 décembre.
Nadia Bey, directrice de Fâme Radio TV, mettait en exergue la «détermination du peuple algérien à aller jusqu’au bout dans sa Révolution du sourire». «Nous avons eu également les avocats qui ont organisé une marche impressionnante. C’est dire qu’aujourd’hui le peuple algérien ne veut pas reculer d’un iota car la contestation est tout à fait légitime», a insisté l’invitée de l’édition francophone de Russia Today.
«Les Algériens ont fait tomber Bouteflika mais pas son régime. Les hommes qui incarnent encore ce système sont toujours au pouvoir. Ils sont contestés par les manifestants qui réclament leur départ avant le 12 décembre», a asséné Nadia Bey qui a rappelé qu’«en tout cas, pour la rue algérienne, il n’est pas question d’aller vers ces élections». «Le pouvoir en Algérie, aujourd’hui, ressemble à ce qu’il a toujours été depuis 57 ans. C’est le même pouvoir, ce sont les mêmes hommes, c’est le même système, c’est le même appareil qui va organiser ces élections. Voilà pourquoi, justement, ces élections devraient être reportées parce que les préalables ne sont pas respectés», a souligné la directrice de Fâme Radio TV.
«La rue algérienne ne demande pas l’impossible», a encore expliqué la journaliste militante pour l’égalité des voix, en estimant que les Algériens «veulent aller vers une réelle démocratie et, pour ce faire, il y a des préalables, à savoir la mise en place d’institutions de transition, le départ du gouvernement et, bien sûr, une commission indépendante pour superviser les élections».
Prenant l’exemple du candidat Azzedine Mihoubi, Nadia Bey a rappelé que ce dernier a été directeur général de la Radio gouvernementale, qu’il a été deux fois ministre sous le règne de Bouteflika et qu’il est au RND. «Qui ne connaît pas le RND ?» a-t-elle ironisé, en ajoutant que «le RND et le FLN, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, c’est le pilier de l’alliance présidentielle [sous Bouteflika], c’est le dérivé du FLN. C’est donc un homme du système qui se présente alors que la rue algérienne demande à ce qu’il y ait de nouveaux visages».
«Bensalah a parlé de renouveau, mais force est de constater qu’il n’y a pas de renouveau parce que parmi les candidats les mieux positionnés, on retrouve Mihoubi et deux anciens Premiers ministres sous Bouteflika», a encore fait remarquer la directrice de Fâme Radio TV sur le plateau de Russia Today, en estimant que «tourner le dos à la rue algérienne, qui a été très claire et surtout pacifique, serait vraiment jouer avec le feu». «La rue algérienne a subi toutes les violences, toutes les manipulations, toutes les manœuvres et elle a résisté. Ceux qui sont au pouvoir devraient comprendre qu’il faut respecter la rue algérienne et la souveraineté du peuple algérien. Le régime ne veut pas de ce renouveau, le régime veut passer en force, il veut sauver ce qu’il a à sauver, et la meilleure façon [pour lui] de sauver les meubles, c’est d’aller vers les élections du 12 décembre, mais on va vers une Algérie ingouvernable si on n’entend pas la voix du peuple», a conclu Nadia Bey dans l’entretien que la chaîne russe a intitulé «Après neuf mois de mobilisation : les Algériens ne lâchent rien».
N. D.
Comment (26)