Pourquoi le pouvoir en place s’apprête à sacrifier son pion Belkacem Zeghmati
Par Nabil D. – Au troisième jour du bras de fer qui oppose les magistrats au ministre de la Justice, la tendance demeure en faveur des premiers, malgré de fortes pressions exercées par le département de Zeghmati pour faire fléchir les contestataires.
En réponse au dernier communiqué du ministère qualifiant la décision rendue par le Conseil supérieur de la magistrature, qui a rejeté les mutations imposées par la tutelle, d’«illégale» et d’«illégitime», les membres de cette institution persistent et signent, en maintenant leur position jusqu’à l’annulation des injonctions du ministère.
Dans un nouveau communiqué rendu public dans la soirée de lundi, les mêmes membres en appellent à l’arbitrage du chef d’Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, en demandant une session extraordinaire pour «examiner l’évolution de la situation» et trouver une solution urgente au conflit.
Cette demande d’arbitrage du président provisoire est une façon de ne plus reconnaître l’autorité du ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, sur le corps de la Justice et d’appeler indirectement Abdelkader Bensalah à l’écarter.
C’est l’interprétation qu’en donne le juge Abdallah Haboul qui, dans une déclaration au quotidien panarabe Al-Araby Al-Jadid, parue dans sa dernière édition, estime que le départ souhaité de Belkacem Zeghmati est la condition sine qua non de la fin de l’hégémonie de l’Exécutif sur le corps de la justice. Ce magistrat estime que le mouvement de dissidence enclenché par les juges en Algérie est de nature à renforcer le mouvement de protestation populaire, «même s’il n’a pas toujours les faveurs de la population, du fait d’une trop longue soumission des juges au pouvoir en place».
Autre signe attestant que le ministre Belkacem Zeghmati est tombé en disgrâce : une majorité de sénateurs ont refusé, durant la même journée de lundi, une demande du ministre de lever l’immunité parlementaire de deux députés.
Le pouvoir s’apprête donc à sacrifier son ministre de la Justice qui, bien que discipliné et appliquant les ordres du chef d’état-major à la lettre, est devenu un boulet pour le régime qui risque de voir son élection présidentielle compromise s’il ne s’en débarrasse pas au plus tôt. Gaïd-Salah le fera sans scrupule comme il l’a fait avec d’autres loyaux serviteurs, à l’instar du député Baha-Eddine Tliba qu’il a fait enlever en Tunisie pour le faire taire.
N. D.
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