Slimane Zeghidour : «Le pouvoir algérien fait preuve de dénégation»
Par Karim B. – Le journaliste et écrivain franco-algérien Slimane Zeghidour a affirmé que «pour la première fois, c’est le peuple qui reprend l’initiative pour gérer, traduire et célébrer à sa propre manière la guerre d’indépendance». «Le mot qui résume cela, c’est le message envoyé par le vétéran de la guerre d’indépendance, le commandant Lakhdar Bouregâa, qui est en prison à 86 ans, et qui a dit ma génération a libéré le territoire, à vous de libérer la patrie !»
S’exprimant sur la chaîne publique française TV5, il a estimé que les mots d’ordre des manifestations en Algérie, à savoir libération et indépendance, sont «symboliquement très lourds parce que le 1er Novembre est une date culte et c’est l’occasion où, d’habitude, c’est le pouvoir en place qui sort ses grandes batteries dans sa rhétorique nationaliste, en mettant en exergue le rôle de l’armée dans la libération du pays, l’armée libératrice, poitrine, cœur battant de la nation».
L’auteur de L’Algérie en couleurs n’a pas caché son pessimisme quant à l’issue de la crise politique, née de l’entêtement du pouvoir illégitime à perpétuer le système rejeté par le peuple. «Les données de base disent qu’il n’y a aucune sortie possible satisfaisante de la crise en Algérie parce que, pour la première fois, l’armée s’avance, gouverne sans masque.» «La décision d’organiser les élections le 12 décembre, a-t-il expliqué, a été imposée par l’armé, donc un recul sur cette décision serait un désaveu pour le chef d’état-major qui confinerait au suicide politique.» «De plus, a-t-il ajouté, ce serait la troisième annulation d’un scrutin présidentiel. Tout ça en quelques mois. Peu de gens survivraient à un tel désaveu.» «Si les présidentielles ont lieu et que donc l’armée a obtenu son élection, ce serait une victoire, mais quelle victoire pour une armée de vaincre son propre peuple qu’elle est chargée en principe de défendre ?» s’est-il interrogé.
«Je dis qu’il n’y a pas de solution heureuse parce que la population, les gens qui manifestent ne veulent pas de ces élections, l’armée les veut, ce qui veut dire que jamais les positions n’ont été aussi irréconciliables. On ne voit pas qui va reculer, c’est cette impasse qui est lourde de danger», a insisté le chercheur spécialiste du monde arabe, qui n’a pas manqué de mettre en avant «l’attitude du régime» qui «laisse vraiment perplexe». «Quand on regarde la télévision de l’Etat chaque soir, il n’y a aucune image sur les manifestations. Par contre, on nous montre des radios-trottoir qui totalisent sept ou huit personnes chaque soir pour dire qu’ils sont pour les élections. Le pouvoir fait preuve de dénégation», a-t-il conclu.
K. B.
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