Profil psychologique du général Gaïd-Salah : excès, sadisme et jeu machiavélien
Par Ahmed Khadri – Il est un fait peu connu de l’opinion publique algérienne tu à l’époque par toutes les instances de sécurité du pays et qui tient à la moralité de l’actuel chef d’état-major de l’armée dont les discours répétés et les menaces directes montrent qu’il est le véritable maître d’El-Mouradia. En effet, avant de goûter aux joies du pouvoir civil avec son complice Bouteflika, Ahmed Gaïd-Salah a été un simple commandant des forces terrestres, ce qui l’amena par la force des choses à se mêler à la troupe en tentant de l’apprivoiser par tous les moyens possibles et imaginables. C’est dans ce contexte particulier que le futur chef d’état-major fit l’apprentissage du commandement, y mêlant les sévices et les vices les plus retors non dénués de rapport avec l’exercice du pouvoir politique tel que nous le connaissons aujourd’hui, à l’orée d’une élection factice, celle du 12 décembre 2019. Ahmed Gaïd-Salah fut très tôt surveillé par les services psychologiques de l’armée et chez qui a été décelée une tendance avérée au sadisme dans le commandement militaire qui s’est manifestée.
C’est cette matrice sadique et violente dans le rapport au commandement militaire qui expliquerait en grande partie la conception que se fait du pouvoir politique l’actuel chef d’état-major qui se décline en plaisir sadique comme une forme de pouvoir, un ascendant autoritaire transposé dans l’ordre politique et civil comme un besoin vital de viol des consciences. Pour Ahmed Gaïd-Salah, il n’existe pas de forme de pouvoir autre que sadique : il ne lui suffit pas de bénéficier d’une quelconque autorité légitime, il faut encore que cette autorité s’exerce sur un mode violent qui lui procure plaisir et reconnaissance par ses pairs.
Il est aisé de vérifier ces explications par des faits dans la trajectoire politico-militaire d’Ahmed Gaïd-Salah. L’ancien commandant en chef des forces terrestres n’a dû son salut, lorsque les preuves et les dossiers s’accumulaient à son égard, qu’à l’incurie de la bureaucratie militaire algérienne et à un système de justice militaire largement régi par des considérations autres que morales. En effet, lorsqu’un militaire commet de graves crimes à un niveau de responsabilité élevé, on utilise plus ces faits avérés comme des obstacles ou des arguments dans la course aux avancements de carrière que comme des preuves devant servir à une décision de justice. C’est dans le jeu pervers et machiavélien des chantages à peine voilés que le sieur Gaïd-Salah a pu passer entre les mailles du filet judiciaire.
Sauf qu’aujourd’hui, le viol répété des foules, le «jusqu’auboutisme» revendiqué par ce général pour la tenue coûte que coûte de l’élection présidentielle du 12 décembre et l’accumulation de déclarations à la tonalité jouissive font écho indubitablement à cette période de l’histoire psychologique du général, lorsque, pour lui, l’Algérie n’était pas encore un territoire, une nation mais une simple caserne.
Depuis Freud au moins, on a pu connaître avec plus de précision ces phénomènes de projection de dispositions objectales qui collent à l’âme comme à la peau et qui déterminent un profil psychologique polymorphe : il suffit de changer l’objet, une fois le jeune soldat, une autre fois le peuple, la nation, puis l’Algérie même dans son intégralité, comme objet historique. De fait, toute l’actualité politique depuis l’irruption du mouvement du Hirak du 22 février 2019 colle avec cette trajectoire aux racines plantées dans le décor des casernes militaires : tout comme Gaïd-Salah attirait ses jeunes proies par des cadeaux et des promesses, le chef d’état-major entama une vaste campagne de séduction à l’endroit du peuple, promettant de jeter en pâture toute la «îssaba» de Bouteflika. Dans le même temps, il promit de respecter les articles 7 et 8 de la Constitution de 1996, qui déterminent la souveraineté politique comme l’émanation exclusive du peuple.
Le sadique a besoin d’appâter. Il se sert de divers hameçons afin de cerner sa proie, qui croit dur comme fer à l’illusion. Mais c’est dans le reniement des promesses que Gaïd-Salah retire une jouissance exclusive et sadique : reniement du panel souverain pourtant promis, reniement de la souveraineté populaire, reniement de la promesse d’élections libres et indépendantes des tenants actuels du pouvoir, reniement de l’indépendance du pouvoir civil face aux militaires. La personnalité sadique et invertie de l’actuel homme fort du pays remonte bien à cette période de la formation du militaire où l’obtention, ou le désir, de l’objet par appâts doit obligatoirement s’accompagner d’un plaisir sadique.
Deux faits importants viennent confirmer ces tendances morbides. L’un a trait à l’incarcération de Karim Tabbou, l’autre à celle de Lakhdar Bouregâa. Karim Tabbou fut emmené une première fois et incarcéré illico presto sans véritable procès. Puis il fut libéré et, quelques heures plus tard dans la même journée, il fut reconduit en prison. En l’espace de quelques heures, Gaïd-Salah a pu obtenir sa part de jouissance physique et sadique dans la création d’une fausse illusion de liberté définitive chez Karim Tabbou. Le cas Lakhdar Bouregâa n’en est pas moins éloquent : vieux moudjahid au prestige incommensurable, il est l’antithèse même d’Ahmed Gaïd-Salah dont le passé de combattant ne présente pas autant d’éclat. La symbolique du viol opère de la même façon, puisque Gaïd-Salah fait naître l’illusion que toute personnalité politique, militaire, historique peut continuer de jouir de son prestige et est prémunie contre toute attaque de sa part. L’illusion est bien entretenue par la rhétorique révolutionnaire de l’état-major actuel qui crée comme un filet de pêche autour de ces personnalités croyant encore bénéficier de la légitimité protectrice de la Révolution de 1954. En enfermant un vieil homme du FLN historique, Gaïd-Salah prend une nouvelle fois plaisir dans le mal et le trauma qu’il provoque dans la société.
Or, cette société de civils est bien devenue une vaste caserne pour Ahmed Gaïd-Salah. Dans son esprit, elle l’a toujours été comme une instance totalitaire décrivant un monde réparti en deux catégories : les surveillants et les surveillés. Le chef de la prison-caserne, c’est lui, Ahmed Gaïd-Salah ; et les prisonniers, chacun d’entre nous, Algériens, sommes potentiellement l’objet de ses désirs sadiques : soyons bien sûrs qu’il y aura d’autres Karim Tabbou et d’autres Lakhdar Bouregâa, plus le crime étant odieux et mieux le plaisir du chef est assouvi. Le coûte-que-coûte des élections du 12 décembre est un désir sadique vital pour Gaïd-Salah.
Sauf que depuis le 22 février 2019, une vaste mutinerie s’est déclarée au cœur même de ce dispositif carcéral. Et le chef de la prison a du mal à la circonscrire. Pour cela, il a besoin de surveillants et de capos supplémentaires, tout trouvés en les personnes de Benflis et Tebboune. Dans ses casernes mâtées d’autrefois, Gaïd-Salah ne pouvait compter sur lui-même ; il lui fallait fabriquer un consentement tacite, une forme de plaisir partagé par des subalternes, des capos fermant l’œil pour des rétributions bien ciblées. Aujourd’hui, alors que le peuple algérien mutin se rebelle, Tebboune et Benflis sont ces mêmes surveillants de la honte qui avalisent le plaisir sadique du chef inverti.
A. K.
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