Le général à la retraite Khaled Nezzar répond au SG par intérim de l’ONM
Le général à la retraite et ancien ministre de la Défense nationale Khaled Nezzar nous a fait parvenir cette réponse adressée au secrétaire général par intérim de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM). Nous la publions in extenso.
«J’ai longtemps réfléchi avant de répondre à Monsieur le secrétaire général par intérim de l’ONM pour sa sortie quelque peu surprenante et les idées approximatives, voire fantasques, qu’il y développe. Je voulais surtout éviter de tomber dans une polémique stérile – le pays n’a pas besoin de cela – d’autant que je ne connaissais pas la personne et ne l’ai jamais rencontrée. C’est aussi par respect à l’ONM, organisation à laquelle je suis sentimentalement attaché, et à tous les moudjahidine.
Sa réaction visait un article paru dans Algeriepatriotique que j’ai lu seulement après coup. Aussi, je me demande en quoi je peux être concerné par un écrit qui ni n’émane de moi ni n’a été publié à ma demande. Cependant, en ces temps de toutes les tractations et de toutes les licences qui emplissent les réseaux sociaux, j’ai décidé d’apporter toute la lumière. Je consens donc, contraint et forcé, à lui répondre.
Je tiens d’abord à rafraîchir la mémoire de M. Mohand-Ouamar Benelhadj : je n’interviens pas dans la confection du site Algeriepatriotique, qui a sa ligne éditoriale qu’il maintient en dépit des restrictions illégales et de la censure dont il est victime. En ce qui me concerne personnellement, je ne suis responsable que des écrits et des articles qui portent mon paraphe. Je le dis, et le répète donc encore une fois : je n’ai aucun ascendant sur le contenu du site.
Ce n’est pas la première fois que le secrétaire général par intérim de l’ONM s’en prend à ma personne. Il avait réagi lorsque j’avais eu à poster une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle j’attirais l’attention des militaires sur le fait «d’avoir à se débarrasser du volet politique dans lequel les a embarqués l’actuel vice-ministre de la Défense». Aucune allusion concernant l’état-major ne fut mentionnée dans mon intervention. Pour preuve, je demandais aux militaires de se défaire du «nœud gordien qui les enserrait». Et pour une meilleure compréhension, je précisais que «ce qui nous préoccupe donc aujourd’hui, c’est le [volet] politique». «C’est à ce titre que je m’adresse à vous», avais-je pris le soin de souligner pour, justement, éviter toute équivoque.
Malgré la clarté de cet appel éminemment politique, le secrétaire général par intérim de l’ONM, ayant fait une mauvaise lecture de mon intervention, a jugé qu’elle était «dangereuse» et «susceptible de diviser les rangs de l’armée». Que dire, alors, des slogans entonnés quotidiennement dans tout le pays «Nous voulons un Etat civil et non un Etat militaire !» ?
Jusque-là, je m’étais posé une seule question : qu’est-ce qui a poussé ce responsable provisoire de l’ONM à se fendre d’une telle déclaration contre moi, qui l’ai assuré de mon soutien lorsque l’ONM s’était rangée, au départ, du côté du Hirak ? La même question se pose avec cette nouvelle déclaration où l’avanie se confond au sarcasme et aux insultes. J’en déduis tout simplement que même bloqué en Algérie, Algeriepatriotique incommode les décideurs du moment dont la manœuvre est criante : qui, mieux que le représentant de l’Organisation nationale des moudjahidine, pouvait s’attaquer à un ancien moudjahid ? La solution a été vite trouvée, et le sigle ONM est venu à la rescousse pour faire taire Khaled Nezzar et le site dont il est considéré être, bien malgré lui, le «rédacteur en chef».
Que M. Benelhadj sache, ne lui en déplaise, que je suis un ancien moudjahid, un vrai ! Allez donc vous en assurer, si vous en ressentez le besoin, auprès de mes anciens compagnons d’armes ! Votre aveuglement vous accable-t-il au point d’oublier que je suis porté sur vos tablettes ? Vous auriez dû consulter mon dossier avant ; vous auriez remarqué que j’ai été condamné à dix années de prison, que toutes mes actions – je dis bien actions – de l’époque, au sortir de l’Ecole d’officiers jusqu’à ma désertion, sont consignées dans un document de la justice française.
Je tiens à répondre à trois points que vous avez soulevés, dont deux appartiennent à l’histoire, celui des évènements malheureux survenus entre les Wilayas historiques en 1962 et celui des déserteurs de l’armée française. Le troisième, quoique subsidiaire, mérite quand même que j’y réponde.
Les déserteurs de l’armée française.
Il est vrai que c’est un sujet clivant pour certains Algériens qui ne sont pas informés sur ce fait de l’histoire de notre pays. Il l’est surtout pour certains cercles qui en ont fait leur fonds de commerce à travers lequel ils veulent exclure des Algériens qui ont combattu pour l’indépendance du pays. Pour l’Organisation nationale des moudjahidine, cette discorde ne devrait pas exister pour la simple raison que ses membres ont côtoyé les combattants de l’ALN tout au long de la Révolution. Je porte à votre connaissance, M. Benelhadj, que l’ALN a compté dans ses rangs plus de quinze mille déserteurs dont un grand nombre sont soit morts au combat, soit blessés – je vous invite à consulter les archives de l’armée française entreposées à Aix-en-Provence. Parmi eux, deux commandants de Wilayas historiques et plusieurs chefs de zones. Sans oublier le colonel, petit-fils de l’Emir Abdelkader, qui fut membre du Mouvement national algérien et ayant appartenu à l’aile réformiste.
Il est regrettable et paradoxal que le premier responsable de cette organisation, censée détenir ces chiffres, s’adonne à des anathèmes gratuits.
Benelhadj, vous ne me connaissez pas, vous ne connaissez pas mon parcours, vous ne pouvez prétendre à plus de patriotisme qu’un autre. J’ai servi pendant quatre années dans les unités de l’ALN et un an à l’OCFLN et j’en suis fier.
Laissez donc ce sujet aux historiens car il est trop vaste et trop compliqué pour vous !
Revenons aux malheureux événements de l’été 1962.
Je suis surpris de vous entendre soulever ce sujet douloureux pour nous tous. J’ai eu à l’aborder dans mes écrits en 1999, mais avec beaucoup de retenue, tant le sujet est sensible pour nous qui avons appartenu à l’ALN. Il est regrettable pour vous de l’avoir fait avec une telle légèreté, en opposant les frères de combat les uns contre les autres. Notre frère Lakhdar Bouregâa, dont nous souhaitons la libération immédiate, fut un combattant coriace contre l’ennemi. Il a continué son combat d’idées après l’Indépendance. Nous lui vouons toute notre considération.
Vous soulevez ce sujet comme si cela ne vous concernait pas. Si mes souvenirs sont bons, après la dislocation de l’ALN-FLN et les dissensions qui s’en étaient suivies en 1962 – le CNRA de cette époque portant l’entière responsabilité de cette issue malheureuse – deux clans s’étaient formés, celui de Tizi Ouzou et celui de Tlemcen. Les 3e et 4e Wilayas historiques avaient rejoint celui de Tizi Ouzou, tandis que les 1re, 2e et 5e ainsi que l’armée des frontières celui de Tlemcen. Dans lequel des deux étiez-vous, M. Benelhadj ? Ou bien avez-vous tranché à la place des historiens ? Sachez, encore une fois, que des conflits de ce genre, il y en a eu beaucoup à cette époque. Certains étaient bien plus sévères, en Wilaya 3 et en Wilaya 1 ! Alors, arrêtez cette surenchère !
S’agissant du dernier point, la question subsidiaire, c’est-à-dire le terrain agricole de Bouchaoui. D’abord, une correction : il s’agit de 12 hectares et non pas de 20, comme vous le prétendez par un souci prémédité d’exagération. Vous sous-entendez que c’est un «accaparement». Non, M. Benelhadj, ce terrain a été acquis par mes enfants en 2007 – soit quatorze ans après ma retraite – conformément à la loi, auprès d’un concessionnaire privé après que l’Etat eut refusé d’exercer son droit de préemption. Ce terrain fertile, dont malheureusement une partie était transformée en décharge publique et une autre à la construction de baraques précaires et insalubres, a été sauvé de la jachère et du béton et rendu à l’agriculture. Planté entièrement d’arbres fruitiers et très bien entretenu, il est la preuve que cette terre ne demandait qu’à être travaillée. Et c’est ce que mes enfants ont fait.
J’aurais préféré ne pas avoir à revenir sur des éléments sur lesquels j’ai eu à m’exprimer et que j’ai déjà expliqués mille fois, aussi bien à travers mes interventions dans les médias que dans mes livres mais la persistance de certains à vouloir porter atteinte à mon honneur par la calomnie et la conspiration m’y oblige encore et encore, hélas !
Enfin, si j’ai décidé de garder le silence et de ne plus intervenir dans le débat politique, c’est, d’abord, parce que j’estime avoir dit ce que j’avais à dire et m’être suffisamment exprimé jusque-là et, ensuite, par respect au pays qui m’a accueilli.
Le général à la retraite Khaled Nezzar»
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