Les magistrats piégés par le pouvoir et lâchés par le peuple désormais seuls
Par Nabil D. – Les magistrats ont fait preuve de naïveté vis-à-vis du pouvoir exécutif, qui les ligote, et d’égoïsme envers la majorité populaire qui les avait soutenus dans leur première action inédite contre le régime en place. Résultat : le nouveau mouvement de grève annoncé par les juges a été accueilli avec circonspection, quand ce n’est pas avec mépris, par les centaines de milliers d’internautes déçus par l’attitude pusillanime et intéressée de ceux dont ils attendaient qu’ils se rallient à la cause et aident ainsi à accélérer la chute des résidus du système Bouteflika.
Le pouvoir qui avait senti le danger a, dans un premier temps, tenté de recourir à la manière forte mais l’intervention musclée de la gendarmerie à la cour d’Oran avait suscité une vague d’indignation sans précédent qui allait créer une fusion entre le Hirak et la justice. Le pouvoir allait, s’il n’avait pas fait machine arrière, perdre un de ses principaux piliers, avec les médias soumis et les services de sécurité régentés, dans sa lutte pour sa survie.
Privilégiant la carotte au bâton, l’état-major de l’armée a, alors, par le biais de Belkacem Zeghmati, le ministre de la Justice aux ordres du vice-ministre de la Défense, opté pour la dissuasion par l’intéressement matériel, en promettant aux juges grévistes des augmentations salariales. Le Syndicat national des magistrats avait accepté l’offre sans aucune hésitation et mis fin au débrayage dans le jour qui avait suivi.
Peu rompus à la politique, les magistrats se sont fait avoir comme des bleus par le pouvoir exécutif dont ils ont toujours été les exécutants obéissants, faisant fi des lois de la République et piétinant les principes fondamentaux de la justice, au premier rang desquels leur liberté garantie par la Constitution. Le rejet des recours introduits par les magistrats par le Conseil supérieur de la magistrature a «réveillé» les juges, qui ont compris qu’ils ont cédé au chant des sirènes ingénument et que leur seule planche de salut est désormais une revendication plus prononcée de leur indépendance.
Mais il est trop tard, relèvent de nombreux observateurs, car ils ont perdu l’appui du peuple qui les a définitivement relégués au rang de supplétifs du régime et qui les fustige au même titre que les résidus du système Bouteflika dont il exige le départ immédiat et sans conditions.
N. D.
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