Contribution – Solidarité avec Lahouari Addi pour le recadrage du débat public
Lahouari Addi vient d’être victime d’une attaque lâche contre sa personne et visiblement commandée par la junte militaire qui prend en otage le peuple algérien, son armée, son Etat et la nation tout entière. Cette attaque abjecte intervient conjoncturellement à un moment crucial caractérisé par la trahison des idéaux de la glorieuse Révolution de Novembre et le serment de ses martyrs par cette junte, celle de vouloir imposer par la menace et la violence un serviteur à son profit au poste virtuel de président de la République ce 12 décembre 2019, qui n’a de République que le nom, contre la volonté du peuple et contre son droit à disposer souverainement de son armée, de son Etat et de ses institutions.
Dans un écrit posté sur sa page Facebook, le professeur en médecine Hocine Bouraoui s’est attaqué violemment à Lahouari Addi dans un poste intitulé «Lahouari Addi ou le savant ignorant», dans lequel il défendait explicitement le chef d’état-major de l’ANP, Gaïd-Salah, détenteur officiel du titre de parrain de cette junte.
Il l’accuse en la circonstance d’«antimilitarisme primaire» et de «haine de l’ANP» en associant ses prises de position dans deux épisodes historiques impliquant l’ANP dont les enjeux sont diamétralement opposés. Celle contre l’arrêt du processus électoral de 1992 et celle d’aujourd’hui contre la volonté de cette junte de vouloir imposer un processus électoral rejeté unanimement par le peuple. Si en 1992 l’arrêt du processus électoral avait divisé l’opinion en pour et contre cette décision, aujourd’hui, le peuple est dans son écrasante majorité contre ce processus électoral et la tenue de son couronnement par les élections programmées le 12 décembre de cette année.
Lahouari Addi était dans son droit, comme pour tout autre citoyen, d’être pour ou contre ces deux processus électoraux sans pour autant se traduire par un quelconque antimilitarisme ni haine de l’institution militaire. Critiquer les ingérences du commandement de l’institution militaire dans la vie politique de la nation est un droit et un devoir pour tout citoyen libre qui entend exercer sa souveraineté législatrice dans la vie politique. Bien que l’arrêt du processus électoral en 1992 eût donné raison à ceux qui étaient pour, pour avoir épargné à l’Algérie de sombrer dans l’obscurantisme et la régression et qui menaçait jusqu’à l’effondrement de l’Etat, la souveraineté nationale et l’intégrité du territoire, cependant, non sans préjudice contre le peuple par la tragédie que ce sauvetage avait engendré.
Par ailleurs, si les motivations de l’opposition de Lahouari Addi au processus électoral de 1992 sont discutables dans le cadre du débat public, exprimées dans sa formule consacrée de «régression féconde», cela ne fait pas de lui pour autant un ennemi, mais plutôt un adversaire dans le débat politique et il est dans son droit de défendre ses sensibilités politiques, religieuses et identitaires dans un débat démocratique.
Malheureusement, pour le recadrage du débat public qu’il appelle de ses vœux et auquel on ne peut qu’adhérer volontairement avec enthousiasme et esprit des responsabilités devant la chose publique, Lahouari Addi ne parvient pas à s’assumer avec la rigueur et le pragmatisme qui s’impose à tout intellectuel engagé dans ce débat. Notamment dans les échanges que j’ai eus avec lui tout récemment à propos du Hirak. Assumer son rôle d’adversaire dans le débat public nécessite le respect de l’opinion de son interlocuteur dans un esprit de bonne foi. Dans cet échange et particulièrement autour de l’«appel aux consciences» cosigné avec le militant politique Djamel Zenati, il a fait preuve d’insuffisance intellectuelle en m’attribuant des propos que je n’ai pas tenus, par le détournement du contenu de mon analyse critique de cet appel aux consciences dans lequel je n’étais pas d’accord avec sa description du contenu du Hirak et les conséquences que celle-ci pourrait avoir sur l’orientation du débat, sur sa compréhension et ses développements futurs.
Il m’avait notamment attribué le fait de regretter que le Hirak ne soit pas uni idéologiquement et par conséquence il ne pourra pas être porteur d’un projet de société unique, allant jusqu’à ironiser sur le fait que le temps du populisme propre à une idéologie dominante était révolu. Plus qu’une insuffisance, Lahouari Addi fait preuve dans ce cas de légèreté et de troubles à assumer son statut d’intellectuel dans le respect de l’opinion de son adversaire dans le cadre d’un débat responsable. Alors que mon propos posait clairement les conditions de l’avènement d’un projet d’Etat souverain, désaliéné de toute instance qui lui est extérieure, notamment le religieux, l’identitaire et le militaire. Dans mon analyse critique de son appel, dans laquelle je relevais le déficit des conditions d’un projet d’Etat souverain, notamment par son apologie des idéologies religieuses et identitaires présentes dans le Hirak, il en déduit que je regrette que le Hirak ne soit pas uni idéologiquement. Comme si le contenu idéologique du Hirak devait reposer essentiellement sur ces deux idéologies au détriment de la souveraineté de l’Etat telle que définie dans mon propos.
Alors qu’il aurait été plus judicieux pour l’intérêt de l’approfondissement du débat de verser un argument contradictoire sur la question de la souveraineté de l’Etat, au lieu de s’enfoncer encore plus dans l’aberration de la notion de régression féconde à laquelle il adjoint l’enferment identitaire, symptomatiquement, comme une fuite en avant pour s’assumer dans son errance d’avoir soutenu par le passé et de continuer à soutenir une idéologie fascisante, en l’occurrence l’idéologie islamiste radicale devenue aujourd’hui modérée sous la pression de l’opinion.
Dans l’intérêt du recadrage du débat public que Lahouari Addi appelle de ses vœux, on ne lui doit aucune concession devant son adversité politique, mais cela ne doit pas interférer sur le soutien qu’on lui doit face à l’épreuve qui lui est infligée injustement de la part de cette junte qui s’inscrit à contre-courant des intérêts du peuple. J’assume donc en toute conscience et en toute liberté son soutien devant l’attaque zélée ou commandée par Gaïd-Salah, chef d’état-major de l’armée, par le professeur en Médecine, Hocine Bouraoui.
Y. B.
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