Procès Ouyahia-Sellal : un concert de veulerie, d’incompétence et de stupidité
Par Mouanis Bekari – Les premières auditions des deux anciens Premiers ministres auront été un aperçu saisissant de la déliquescence de l’appareil de l’Etat. Certes, l’opinion que les Algériens ont des apparatchiks qui ont accaparé les leviers de cet appareil est faite depuis longtemps, et si la foule s’est pressée au premier jour du procès, ce n’est pas pour se forger une conviction sur leur culpabilité. Car, lorsque l’on aura fini de dire que tout inculpé est présumé innocent jusqu’à preuve de sa culpabilité, on ne fera pas pour autant l’économie de l’obstination des faits. Or, si l’examen contradictoire de la situation fiscale est tombé en désuétude depuis que la mise en coupe réglée de l’Algérie a commencé, l’évidence ne peut être abrogée aussi facilement. Il est donc loisible à tous de constater le gouffre qui sépare l’enrichissement obscène de certains au regard de la banalité des moyens visibles dont ils disposent pour légitimer cette surabondance.
Comment un ministre, même s’il est le premier d’entre eux, peut-il accumuler autant que M. Ouyahia ? Par quels moyens peut-il acquérir autant de biens que M. Sellal au point d’oublier l’existence de certains d’entre eux ? Comment interpréter la coïncidence entre l’enrichissement délirant de leurs proches et leur propre accession à la tête de l’Etat ? Les Algériens ont répondu depuis longtemps à ces fausses interrogations et rien n’est venu contredire leur verdict. Surtout pas le mépris que les parvenus affichent tout naturellement envers ceux qu’ils ont dépouillés. Si la foule s’est précipitée au tribunal de Sidi M’hamed, ce n’est donc pas pour les entendre clamer une innocence à laquelle personne ne croit, mais bien pour écouter les arguments qui prétendent la fonder.
Les prévenus, rompus aux arcanes du pouvoir en général et de la primature en particulier, allaient à coup sûr donner libre cours aux aptitudes qui leur ont permis d’accéder aux éminentes fonctions qu’ils ont occupées, car pour ce qui est de les exercer, l’état de l’Algérie dit assez ce qu’il en a été. Et qu’avons-nous vu ? Un concert de veulerie, d’incompétence crasse et de stupidité. Ces hommes qui ont trôné au faîte de l’Etat, qui ont eu à trancher des questions qui engagent l’avenir de millions d’Algériens, dont les décisions ont impliqué des sommes qui donnent le vertige à la plupart d’entre nous, ces hommes sont des imbéciles, incapables même de mentir habilement ou simplement de forger des explications plausibles.
Au niveau de responsabilités qui fut le leur, l’incompétence est un délit et la couardise un déshonneur. Les cumuler est un affront à tous les Algériens et une ignoble flétrissure de la fonction régalienne. M. Ouyahia ne se souvient plus d’où proviennent les milliards qui garnissent ses comptes bancaires et les décisions qui lui sont reprochées ont été prises par d’autres, même si c’est sous sa primature. Il ne comprend donc pas ce qui lui est reproché. Car il semble croire que tous les Algériens sont embarrassés par des milliards qui atterrissent sur leurs comptes sans en connaître la provenance et sans éveiller leur curiosité. Quant à M. Sellal, est-il possible d’imaginer une personne moins apte à exercer les fonctions qu’il a profanées si longtemps ? On se doutait bien, au souvenir de certaines de ses saillies, que son passage serait folklorique, mais on ne pouvait imaginer à quel point. Médiocre rhéteur, pitoyable contradicteur, il n’a eu de cesse d’étaler son inconsistance et de proclamer son insignifiance dans le système qui a dévasté l’Algérie. Il ne comprenait pas la nature de ce qu’il signait, il ne faisait qu’obéir aux injonctions de ses maîtres et son autorité était dédaignée par ses ministres.
Le pire est que l’on est enclin à le croire. Car cet homme est la caricature du produit d’un système qui a pourchassé la compétence et l’intégrité partout où elles gisaient, pour leur substituer l’inaptitude de l’esprit et la laideur du caractère. Gageons que ceux qui succèderont à nos lamentables duettistes dans le box des accusés prononceront le même plaidoyer consternant et conforteront les Algériens dans leur volonté d’en finir avec la fabrique des cancres.
M. B.
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