Hitchcock à Alger
Par Karim B. – Ouyahia plaidant non coupable d’un ton presque serein, Sellal criant son innocence avant de fondre en larmes, Zaâlane jurant n’avoir reçu ne serait-ce qu’un centime de corruption et des hommes d’affaires considérant les montants astronomiques cités lors du procès comme du pipi de chat à côté de leur chiffre d’affaires. Voici, en gros, le résumé du procès des usines d’assemblage automobile. Et la convocation de Saïd Bouteflika en qualité de témoin n’a fait que renforcer l’idée que ce qui se déroule au tribunal de Sidi M’hamed n’est qu’une parodie dont les desseins occultes sont source de supputations divergentes.
Si, en effet, certains pensent que les prévenus, jetés en prison sur ordre du chef de l’armée, ne sont que des boucs émissaires sacrifiés sur l’autel de la perpétuation d’un système incarné par le général Gaïd-Salah, qui s’est saisi des rênes par la force, d’autres sont persuadés que tout ceci n’est qu’une mise en scène inventée par les tenants du pouvoir pour berner l’opinion publique, en simulant une lutte sans merci contre la déprédation et la rapine. Aussi le procès de Sidi M’hamed n’a-t-il fait qu’épaissir le brouillard qui s’est formé dans le sérail bien avant la démission forcée du parrain dont le frère a été condamné à quinze ans de prison par le tribunal militaire de Blida dans une autre parodie de procès dans laquelle Gaïd-Salah a dicté le verdict jusqu’à la moindre virgule.
Le jugement dans l’affaire en cours sera prononcé très rapidement, soit dans quarante-huit heures, apprend-on, car tout doit être pesé, emballé et vendu avant le 12 décembre pour, à la fois, influencer le vote – croit-on en haut lieu – et permettre au futur président de la République adoubé par le commandement de l’armée de prononcer une amnistie générale dans le cadre d’une nouvelle «concorde nationale» visant à «tourner la page du passé» et à «remettre les compteurs à zéro».
Rien n’est clair dans cet encombrement d’événements que les manipulations médiatiques et les intrigues du régime ne font qu’intensifier et compliquer, mais qui n’affectent en rien la détermination des citoyens à débarquer les reliques du système en commençant déjà à empêcher concrètement la très incertaine élection présidentielle de ce jeudi.
K. B.
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