Gaïd-Salah, armée, Hirak, justice : ces gros dossiers qui attendent Tebboune
Par Abdelkader S. – C’est finalement la première option qui a primé. Abdelmadjid Tebboune succède donc à Abdelaziz Bouteflika avec près de 5 000 000 de voix, si l’on en croit les chiffres annoncés par Mohamed Charfi. Soit moins du quart sur l’ensemble du corps électoral.
Plusieurs chantiers herculéens attendent l’ancien ministre de l’Habitat. Le premier et le plus urgent est la réinstauration de la suprématie du politique sur le militaire. Abdelmadjid Tebboune est désormais le chef suprême des forces armées et ministre de la Défense nationale. Quel sort réserve-t-il à Gaïd-Salah et son état-major dont les millions d’Algériens qui manifesteront encore en force ce vendredi réclament le départ depuis de longs mois ? La mission paraît délicate, d’autant que Mohamed Charfi a entamé son discours ayant précédé l’annonce des «résultats» par une rhétorique louangeuse à l’égard du chef d’état-major «sans lequel ces élections n’auraient pas pu avoir lieu». L’ombre de Gaïd-Salah aura donc plané jusqu’à la dernière seconde avant la prise de fonction du nouveau Président.
L’avènement d’Abdelmadjid Tebboune en remplacement d’Abdelaziz Bouteflika ne signifie pas la fin du Mouvement de contestation populaire, qui reprend de plus belle au moment même où l’annonce des scores du vote de ce jeudi étaient égrenés par un Mohamed Charfi heureux d’avoir participé à «faire de ce grand rendez-vous électoral une fête comme l’Algérie n’en a jamais connu depuis l’indépendance» (sic). Le nouveau locataire d’El-Mouradia va-t-il prendre langue avec les représentants du Hirak pour tenter de trouver une solution à la crise politique qui va en s’enlisant ? Comment fera-t-il pour convaincre les quinze millions d’Algériens qui n’ont pas voté – à en croire toujours les chiffres de Charfi – et qui ne lui reconnaissent aucune légitimité de s’asseoir à la table du dialogue ?
Abdelmadjid Tebboune entame son mandat avec quelques cartes gagnantes, comme ce fut le cas avec Abdelaziz Bouteflika en 1999. A l’époque, l’armée avait offert à son candidat deux cadeaux sur un plateau d’argent : la reddition des terroristes et l’exemption de nombreux jeunes du Service national. Son successeur démarre avec les dizaines de prisonniers d’opinion que Gaïd-Salah a jetés en prison pour permettre au nouveau chef de l’Etat de gagner un semblant de sympathie, en décrétant une amnistie générale et en les faisant donc libérer.
Le désormais premier magistrat du pays aura du pain sur la planche s’agissant du secteur sensible de la justice, décriée par les citoyens pour s’être mise sous la férule du pouvoir exécutif et de l’armée dont elle reçoit et exécute les injonctions. Une réforme profonde sera prévue si Abdelmadjid Tebboune tient ses promesses faites lors de la campagne électorale agitée et du débat télévisé qui l’a opposé à ses quatre adversaires.
Mission casse-cou pour le nouveau Président, mal élu, dont la priorité sera de «convertir» un peuple majoritaire qui oubliera Gaïd-Salah à partir d’aujourd’hui pour déverser sa colère sur la nouvelle cible.
A. S.
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