Benflis fini, Mihoubi soulagé, Bengrina surestimé, Belaïd retourne au clapier
Par Abdelkader S. – Défaite commune mais fortunes diverses pour les quatre candidats malheureux à la présidentielle du 12 décembre. Il n’est pas exclu que les lièvres qui ont accompagné Abdelmadjid Tebboune jusqu’à l’entrée du palais d’El-Mouradia, avant de retourner chacun dans son repaire loin de la vindicte populaire, aient tous reçu la garantie qu’ils seraient «le candidat de l’armée».
On a vu les cinq concurrents faire preuve d’une assurance anormale, jusqu’à lors du débat télévisé où tous les prétendants à la fonction suprême se voyaient déjà Président. Mais le réveil a été brutal pour au moins trois d’entre eux, tandis que le quatrième s’en sort à moindre frais.
Ali Benflis a été mené en bateau pour la troisième fois et n’a pas assimilé les leçons de 2004 et 2014, à telle enseigne que certains se sont demandé si l’ancien chef de gouvernement n’agissait pas par une espèce de masochisme ou d’autoflagellation. Malgré les conseils avisés de nombreuses personnalités expérimentées qui, en 2014 déjà, l’exhortaient à ne pas se présenter à une élection présidentielle dont les jeux étaient faits d’avance en faveur du candidat à sa propre succession, le chef de file de Talaie El-Houriyet ne l’entendait pas de cette oreille, répétant à qui voulait bien l’entendre qu’il était certain de remporter son duel avec l’impotent Bouteflika. Ce 12 décembre, l’arrogance de Benflis l’a mis K.-O. dans son dernier combat dont tout le monde – sauf lui – savait qu’il était perdu d’avance.
Azzedine Mihoubi, qui avait été adoubé par l’état-major de l’armée à des fins de manipulation des médias et de l’opinion, a, lui, été soulagé de la lourde charge dont il a toujours su qu’il était incapable de porter sur ses frêles épaules. L’ancien ministre de la Culture semble se passer volontiers de ce «cadeau empoisonné», préférant que la «patate chaude» soit refilée au chevronné Abdelmadjid Tebboune, son aîné de l’Ecole nationale d’administration. Le système n’ayant pas changé, il n’est pas exclu que l’auteur de Confessions d’Assekrem reprenne sa place à la Culture ou occupe une fonction plus discrète dans une institution moins exposée.
L’islamiste imberbe et en costume-cravate Abdelkader Bengrina s’est vu, quant à lui, propulser à la deuxième place du classement. A cela, une seule raison possible : les tenants du pouvoir réel, ne pouvant pas se déjuger en ne faisant pas «presque gagner» le candidat le plus proche de l’idéologie islamo-panarabiste qu’ils ont tenté infructueusement d’instiller dans le Hirak, se devaient de faire monter le transfuge du MSP sur au moins la deuxième marche du podium. L’ancien ministre du Tourisme sous Bouteflika n’a pas été choisi pour quelque éclairée érudition ou illusoire popularité, mais parce que c’est le seul, parmi cette mouvance, à avoir accepté de «donner son corps à la science» dans cette expérience de laboratoire que fut la présidentielle du 12 décembre.
Enfin, le très effacé mais présent à toutes les occasions électorales, l’éternel perdant Abdelaziz Belaïd, était perçu comme LE lièvre par excellence au profit des quatre autres candidats, quel qu’ait pu être le «vainqueur», même si, par moments, il donnait l’impression de croire qu’un miracle pouvait arriver. L’invieillissable animateur des jeunesses «FLNiennes» retournera dans son clapier jusqu’à la prochaine échéance. A moins que le Hirak triomphe enfin du système.
A. S.
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