La brique de la liberté
Par Abdelkader S. – Les images de jeunes portant des briques pour murer les bureaux de vote et empêcher l’élection du 12 décembre dernier en Kabylie ont suscité l’admiration de tous les Algériens épris de liberté, qui ont chanté la bravoure des citoyens de cette région frondeuse du pays. «Gens de la Kabylie bravo, toute l’Algérie est fière de vous !» entendait-on lors de ce quarante-troisième vendredi de manifestations.
Scènes singulières d’un peuple qui aspire à la démocratie et qui voit dans l’urne une menace pour celle-ci au point de devoir rendre l’accès à l’isoloir impossible. La leçon algérienne doit être introduite dans les cycles de formation des grandes écoles mondiales de sciences politiques. Elle remet en cause le principe même du suffrage comme un des moyens de la démocratie en tant que mode de gouvernance censé être le moins contraignant pour les peuples. Or, la démocratie dans son acceptation académique occidentale s’est avérée biaisée par une multitude de paramètres qui en minimisent le caractère idéal et utopique qui lui sont attribués.
On le voit en France, où les grèves se succèdent et les manifestations sont émaillées par des violences inouïes. On le voit aux Etats-Unis où les intérêts d’une poignée de majors fait et défait les présidents au gré de ses intérêts matérialistes, source de guerres et de complots à l’échelle planétaire. On le voit en Grande-Bretagne où les orientations de l’élite politique sont constamment remises en cause, notamment par rapport à l’adhésion à l’Union européenne dont une majorité de Britanniques demandent désormais la révision car estimant que ce ralliement leur a été néfaste. On le voit en Italie où l’extrême-droite enregistre une avancée monumentale grâce à la règle démocratique arithmétique qui fait que la majorité a raison même si elle a tort. On le voit en Allemagne où la chancelière Angela Merkel rivalise de longévité avec Bouteflika dans un pays puissant mais qui prend l’eau de toutes parts, selon de nombreuses analyses qui révèlent une grande vague d’émigration, aussi étrange que cela puisse paraître. On le voit dans de nombreux autres pays de l’hémisphère nord de la planète où gouvernants et gouvernés ne sont plus d’accord sur grand-chose.
Ces briques que les Algériens ont portées pour construire un rempart contre la politique du fait accompli sont le symbole contraire des murs que les régimes ont érigés pour empêcher les peuples de jouir de leur liberté. Autant le mur de Berlin se devait d’être abattu, de même que ceux sortis de terre en Palestine et au Sahara Occidental occupés doivent être démolis, autant ceux dressés en Algérie contre l’arbitraire doivent être renforcés et élargis.
A. S.
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