Comment Gaïd-Salah commence à faire de l’ombre à Abdelmadjid Tebboune
Par Abdelkader S. – L’entorse à l’ordre protocolaire se poursuit, même après l’officialisation du poste de président de la République au lendemain de l’élection contestée du 12 décembre. Après le message de félicitations adressé à Abdelmadjid Tebboune en sa qualité de vice-ministre, une aberration en soi, le chef d’état-major a actionné les chaînes de télévision à sa solde pour lancer une série de reportages sur sa personne et son «rôle prépondérant» dans «la sauvegarde de la sécurité du pays» et «l’aboutissement du processus électoral».
Par cette nouvelle opération de propagande, Gaïd-Salah cherche clairement à faire de l’ombre au nouveau Président et à parasiter son action future, en laissant entendre, sans ambages, qu’il demeure le premier décideur et que l’élection du 12 décembre n’était qu’un alibi pour mieux renforcer son pouvoir, en s’accordant une légitimité par le biais du chef de l’Etat «élu» et non plus désigné pour une période de transition, conformément à la Constitution. La désignation de Tebboune semble, dès lors, profiter plus à Gaïd-Salah qu’au nouveau chef de l’Etat qui se voit ainsi relégué au rôle secondaire d’exécutant.
Cette présence envahissante de Gaïd-Salah n’augure rien de bon pour la suite des événements. La poursuite des manifestations est une réponse aux tenants du régime qui pensaient pouvoir réduire l’intensité de cette fronde populaire, en la divisant entre partisans et opposants des élections. La crise est loin d’être réglée, et Abdelmadjid Tebboune semble avoir été missionné pour jouer l’intermédiaire dans une nouvelle tentative de dialogue qui a toutes les chances d’échouer, en dépit du semblant de retour qu’il obtient de la part de certaines personnalités politiques, mais dont les conditions sont celles-là mêmes qui avaient fait capoter les deux précédentes initiatives du régime.
Abdelmadjid Tebboune entame donc son mandat avec le sérieux handicap de la chape de plomb qui le ligote et l’empêchera de mettre en pratique sa propre feuille de route dont il dit qu’elle permettra au pays de tourner définitivement la page de l’ère Bouteflika. Une démarche irréalisable tant que le nouveau ministre de la Défense nationale et chef suprême des forces armées ne prend pas les commandes de l’institution militaire et n’utilise pas ses prérogatives constitutionnelles pour la mettre sous son autorité.
A. S.
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