Tebboune doit négocier un compromis
Par Youcef Benzatat – L’offre de dialogue que Tebboune a adressée aux potentiels représentants du Hirak a d’évidence pour objectif la cooptation de personnalités influentes disposés à collaborer avec l’état-major pour faire partie du nouveau gouvernement.
Cette stratégie vise en définitive à diviser le Hirak pour l’affaiblir et, par conséquence, circonscrire pour mieux neutraliser ses éléments les plus irréductibles dans leur démarche révolutionnaire. Autrement, dévier le Hirak de sa vocation révolutionnaire à celle de partenaire de l’état-major.
Car un Hirak uni et déterminé à poursuivre la lutte révolutionnaire, par l’exigence du départ de tous les symboles du système qui ont contribué à la régression chaotique de l’Etat et ses institutions, ne peut accepter de dialoguer avec un Président illégitime, perçu comme un délégué désigné pour cette mission par le système mis en cause et dont la légalité a été imposée par un coup de force de parodie électorale. Comme il ne peut accepter de dialoguer avec tout autre interlocuteur mandaté par ce système liberticide et corrompu ayant provoqué l’indignation généralisée du peuple et qui a été à l’origine du soulèvement populaire du 22 février.
En plus de la politique de la carotte qu’est la cooptation d’éléments influents du Hirak pour le diviser, l’état-major sait que cette stratégie de la division à peu de chances d’aboutir pour neutraliser la portée révolutionnaire de ce mouvement dont la cristallisation a été l’aboutissement d’un long processus enclenché en même temps que la naissance de l’Etat national contemporain. Il lui faudra encore user du bâton pour terroriser les plus irréductibles, comme cela s’était produit la semaine qui vient de s’écouler avec son lot d’arrestations et de violences policières extrêmes et injustifiées. Associer la carotte et le bâton pour espérer neutraliser l’espoir du Hirak à une transition vers un Etat civil et démocratique, dont le pouvoir s’exerce par la loi et non par des personnes, au profit d’une reconduction du statut quo.
Dans ces conditions, le Hirak doit se sentir investi d’une mission historique, comparable à celle des aînés qui, par leur solidarité et leur détermination, avaient réussi à mettre fin à la domination coloniale et restituer au pays sa souveraineté nationale. Dans ce cas, le Hirak doit éviter cette ruse de la main tendue en refusant tout dialogue avec un quelconque contact désigné par ce système qui prend en otage l’Etat et les institutions et confisque la souveraineté populaire.
C’est plutôt à ce système de négocier un compromis avec le Hirak, en premier pour sauver le pays d’un chaos programmé, en même temps de sauver ses membres d’une justice qui peut s’annoncer tendancieusement vengeresse et sélectivement cruelle.
Pour cela, il doit libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et d’opinion. Libérer l’activité politique. Lever la censure sur le champ médiatique. Dissoudre le gouvernement et le remplacer par un collectif d’experts approuvé par le Hirak, qui aura pour mission d’élire une constituante. Dissoudre les deux chambres du Parlement. Dissoudre la police politique. Transférer la tutelle de la police et de la gendarmerie de l’ANP au gouvernement. Dissoudre tous les partis politiques qui ont collaboré avec ce système. Enfin, désigner un ministre de la Défense civil qui doit mettre à la retraite tous les militaires âgés de plus de soixante-cinq ans et désigner un état-major selon les compétences.
Y. B.
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