Benflis : «[Cette] élection est un viol de la souveraineté et du choix du peuple»
Par Abdelkader S. – Le titre pourrait induire nos lecteurs en erreur. Et c’est prémédité. Le candidat triplement malheureux aux élections de 2004, 2014 et 2019 a étonné plus d’un par son mutisme et son «abdication» après sa troisième et dernière défaite électorale, suite à laquelle il a choisi de se retirer sur la pointe des pieds et ne pas ruer dans les brancards en cas de fraude, comme cela avait été «insinué» par des sources proches de sa direction de campagne, la veille du 12 décembre.
Le 17 avril 2014 au soir, soit la veille de l’annonce officielle des résultats de la présidentielle par Tayeb Belaïz, alors ministre de l’Intérieur, Ali Benflis déclarait aux journalistes de BFMTV qui l’avaient joint au téléphone qu’il rejetait le scrutin grâce auquel Abdelaziz Bouteflika, fortement adossé à l’institution militaire que commandait toujours Gaïd-Salah, se succédait à lui-même pour un quatrième mandat sans même avoir eu besoin d’apparaître.
«Je ne reconnais pas cette élection, elle est un viol de la souveraineté et du choix du peuple, elle est le produit du bourrage, du renvoi des observateurs ou de leur intimidation et de l’argent sale également pour l’achat des consciences», fulminait l’ancien chef de gouvernement qui s’enorgueillissait de ce qu’il avait «des salles pleines», alors qu’«ils (les animateurs de la campagne du fantomatique Bouteflika, ndlr) avaient des salles qui n’étaient pas pleines du tout». «Le gagnant, c’est l’absolutisme et le pouvoir absolu», avait-il renchéri, en regrettant que le «grand perdant» soit «le peuple algérien et la démocratie».
«Les preuves de la fraude sont là : un bourrage sans précédent, un Conseil constitutionnel qui n’a pas dit mot sur la liste des souscriptions d’un candidat qui aurait produit quatre millions de signatures, le gouvernement qui s’est transformé en comité de soutien et l’administration qui n’a pas été neutre du tout», maugréait Ali Benflis, pour qui l’élection du 17 avril 2014 était une «escroquerie à vaste échelle» et «un recul sans précédent pour les libertés».
«Il ne fait aucun doute que Bouteflika va être déclaré gagnant alors que ce candidat n’a pas fait campagne, il va être crédité de la majorité des voix», avait-il anticipé.
Les preuves de la fraude se sont à nouveau confirmées, les atteintes aux libertés se sont aggravées cinq ans plus tard et sa déconfiture était annoncée bien avant la tenue de la présidentielle du 12 décembre, mais Ali Benflis a quand même tenu à y prendre part et, une fois le nom du vainqueur connu, il s’est retiré la queue entre les jambes. Qu’est-ce qui a fait courir ce vieux routier de la politique durant toutes ces années dont les Algériens ne garderont que ses échecs répétés et tous pressentis ? Qu’est-ce qui a changé chez l’homme pour qu’il ait décidé de descendre du train sans crier gare ?
A. S.
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