Le discours d’investiture d’Abdelmadjid Tebboune analysé à partir de l’étranger
Par Karim B. – Le journaliste et politologue français d’origine algérienne Slimane Zeghidour a analysé le discours d’investiture d’Abdelmadjid Tebboune, ce vendredi à Alger.
Le nouveau Président a usé d’un «ton monocorde» qui «n’est pas le ton solennel qu’on attendait», a-t-il affirmé, en estimant qu’il y a peu de chances que son intervention ait été comprise par le plus grand nombre. «Il faut dire que les Présidents algériens sont les seuls dans le monde arabe qui utilisent l’arabe littéraire classique, l’arabe écrit, pour s’adresser à leur peuple. C’est-à-dire un arabe abscons, parfois amphigourique. On peut être sûrs que la majorité des gens n’en saisissent pas la portée profonde», a-t-il expliqué. L’écrivain essayiste a, par ailleurs, relevé que le discours d’Abdelmadjid Tebboune «est truffé d’invocations religieuses et de versets du Coran».
Interrogé sur la présence en force de hauts gradés de l’armée lors de la cérémonie, Slimane Zeghidour a rappelé que l’armée «a toujours été omniprésente, omnipotente dans les structures du pouvoir algérien». «Pour la première fois cette année, depuis le début des protestations, elle a été contrainte de jeter le masque, de descendre dans l’arène et d’assumer le pouvoir politique directement par la personne de son chef d’état-major, le général Gaïd-Salah», a-t-il souligné. «D’ailleurs, a encore expliqué l’éditorialiste de TV5 Monde, nous avons tous vu que, dans la tribune, il y avait un aréopage de toute la haute hiérarchie militaire. Et cette armée a dit qu’elle soutiendrait la contestation du peuple jusqu’à l’obtention de sa victoire. Or, là encore, elle vient de se doter d’un civil qui est issu de l’ancien sérail du régime du président Bouteflika».
L’auteur de L’Algérie en couleurs n’avait pas caché son pessimisme quant à l’issue de la crise politique algérienne. «Les données de base disent qu’il n’y a aucune sortie possible satisfaisante de la crise en Algérie parce que, pour la première fois, l’armée s’avance, gouverne sans masque», avait-il observé, en expliquant que «si les présidentielles ont lieu [le 12 décembre] et que donc l’armée a obtenu son élection, ce serait une victoire». «Mais quelle victoire pour une armée de vaincre son propre peuple qu’elle est chargée en principe de défendre ?» s’était-il interrogé.
«Je dis qu’il n’y a pas de solution heureuse parce que la population, les gens qui manifestent ne veulent pas de ces élections ; l’armée les veut, ce qui veut dire que jamais les positions n’ont été aussi irréconciliables. On ne voit pas qui va reculer, c’est cette impasse qui est lourde de danger», avait-il insisté, en faisant remarquer que le pouvoir «fait preuve de déni de la réalité».
K. B.
Comment (21)