Un économiste français prédit une «descente aux enfers» pour l’Algérie
Par Nabil D. – L’économiste Alexandre Mirlicourtois décrit un «secteur public algérien en déliquescence» et des «entreprises publiques qui génèrent encore près de la moitié de la valeur ajoutée industrielle moribonde». «En 2018, note le directeur de la conjoncture et de la prévision à Xerfi Canal, le niveau de la production manufacturière publique représentait à peine plus de la moitié de celle de 1989. Quant au taux d’utilisation des capacités de production, il montre une sous-utilisation structurelle des installations.»
Cet expert en stratégie et en management relève que «cette désindustrialisation publique n’a été que très partiellement contrebalancée par le privé. Un secteur privé trop petit qui peine à se développer en raison du poids de l’administration, de la corruption et du lobby des importateurs qui bloque son développement». «Principalement présent dans des activités peu ouvertes à la concurrence internationale, le tissu productif privé est en fait composé à 90% de microentreprises à caractère familial qui opère souvent dans le secteur informel», a souligné Alexandre Mirlicourtois, en observant que «les grandes sociétés privées sont peu autonomes» car «plus souvent liées à l’appareil politique et à l’armée avec lesquels elles entretiennent des relations parfois douteuses». «Le procès pour corruption de deux anciens Premiers ministres, de plusieurs ministres et hommes d’affaires emblématiques montre à quel point le système était gangréné de l’intérieur», a-t-il encore affirmé.
L’économiste fait remarquer que «tant que la rente pétrolière et gazière permettait d’acheter la paix sociale à coup de subventions, tout le système tenait. Mais c’est un système construit sur la seule performance du secteur des hydrocarbures, donc de leur cours. Il suffit donc que le prix du Brent chute pour que le solde courant vire au rouge. Or, les cours ont commencé à dévisser en 2014, année où ils sont passés de près de 110 dollars en janvier, à 60 en décembre», rappelle-t-il.
Pour Alexandre Mirlicourtois, le solde courant algérien a «entamé sa descente aux enfers en 2014», en relevant que la période s’étalant de 2014 à 2019 constitue «six années de plomb». «Du jamais vu depuis le début des années 1980», a-t-il commenté, avant de prédire une année 2020 qui «ne s’annonce pas mieux». «A ce rythme-là, a-t-il expliqué, les réserves de change s’épuisent très vite, passant de 194 milliards de dollars en 2013, soit l’équivalent de trois années et demie d’importations, à moins de 80 en 2018, soit nettement moins de deux années d’imports».
«A cette vitesse, les caisses seront vides très rapidement. Or, les réserves de change sont vitales pour un pays dont la monnaie n’est pas convertible et dont l’accès au marché international des capitaux est limité ou inexistant», a indiqué Alexandre Mirlicourtois, selon lequel «c’est un véritable mur qui se dresse devant le nouveau Président», dans la mesure où «l’économie est en totale décompensation et l’argent du pétrole n’achète plus la colère».
N. D.
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